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Écrits de Marc Hodges
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28 octobre 2012

L'école

Souvenirs et mystères. Qui donc pouvait avoir signé cette carte qui a en partie décidé de ma vie ? Chacune des cartes que j’examine est ainsi à la fois puits de mystère et résurgence de souvenirs. Tant de moments, de personnes, de sentiments, de sensations… que j’ignorais avoir oublié resurgissent du fond de mon cerveau où ils étaient conservés comme ces animalcules qui s’endorment pour des millénaires attendant d’être réveillés par une goutte d’eau. Notre mémoire est infiniment plus riche que ce que nous croyons. Les souvenirs ne sont que parce que nous nous forçons à les exhumer.

Je ne dois pas me laisser enfermer dans l’obsession de l’oubli qui menace à mon âge et m’effraie. Je ne pourrai jamais revivre tout de ma vie. Et d’ailleurs serait-ce agréable ou même utile? La vie est un fleuve par lequel il est bon de se laisser emporter sans vouloir, avant de mourir, comme les saumons, devoir remonter à sa source. Peut-être est-ce le poids de mon prénom, celui de cet oncle mort juste peu avant ma naissance, et dont mon père a toujours parlé comme d’une absence fondamentale comme s’il se sentait coupable d’avoir, lui, le plus jeune, survécu à cette grande catastrophe dans lequel ils ont été tour à tour entrainés? Je ne sais mais l’oubli m’obsède. Crainte d’Alzheimer naturelle à mon âge ou terreur plus originelle encore?

Mais il est temps de parler vraiment de mon enfance.

Mes premiers souvenirs sont des souvenirs d’école: je me revois, très jeune, au fond de la salle de classe mon père ayant décidé que je pouvais, semble-t-il dès la rentrée suivant l’anniversaire de mes trois ans que je pouvais assister à la classe. Comme je l’ai déjà dit, c’était une école à classe unique avec six niveaux d’enseignement, du cours préparatoire au certificat d’études variant, d’une année à l’autre, autour d’une quinzaine d’élèves. Chaque niveau avait officiellement sa période de leçons mais, dans les faits, chacun profitait des leçons des autres et mon père savait confier habilement les uns aux autres. J’étais au fond de la classe de mon père non que ma mère ne puisse me garder à l’étage au-dessus de la classe mais sa confiance en la culture était telle qu’il estimait qu’il n’était jamais trop tôt pour commencer. De plus je le soupçonne d’avoir éprouvé quelques remords à me faire vivre dans un village aussi isolé et «classiquement» inculte que La Roche. S’il avait choisi cet isolement pour fuir la société qui avait produit La Grande Boucherie de 1915, il ne voulait pas non plus que je devienne un sauvageon des montagnes. Pour cela, il avait, en ce qui me concerne, adopté plusieurs stratégies éducatives. Être dans sa classe faisait partie de l’une d’elles. J’étais là, plus ou moins présent, n’ayant aucune tâche précise assignée sinon d’être là, muni de papiers, d’albums à colorier, et de crayons de couleurs, je pouvais faire ce que je voulais pourvu que je ne dérange pas la classe. Or déranger la classe était difficile tant il y avait de mouvements, de passages d’un groupe à l’autre, de regroupements, d’isolements chaque niveau se mêlant aux autres ou s’en séparant suivant les activités. Je pouvais ainsi, suivant mon désir, me mêler aux uns ou aux autres, regarder la carte de géographie avec un groupe, observer un lézard avec un autre, essayer d’imiter ceux qui apprenaient à écrire ou participer au groupe choral. Je me fondais dans la diversité.

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