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Écrits de Marc Hodges
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3 avril 2015

Vers les falaises de La Viale, 7 heures 28

Sa seule véritable exaltation est de savoir qu'on peut changer la vie, entrer dans un nouveau monde meilleur. Il sait ce qu'on attend de lui, mais refuse tout enjolivement du monde qui ne pourrait que l'enfermer dans la fragilité inquiète de ses certitudes. Ses souvenirs l'obsèdent. Il pense que les hommes ont abandonné les contrées où la vie était dure car ils avaient besoin de chaleur. Il respire à pleine poitrine comme quand on boit. Il s'enfonce toujours davantage dans le ventre mou du causse. Les toits ne sont que des éboulis rocheux parmi les autres. Un paysage n'est rien en lui-même !…. Tout est fait pour retenir. Il éprouve à la fois un étrange sentiment de malaise et d'inconfort. L'au-delà reste pour lui une notion abstraite. Il y a dans l'air comme une sourde peur de vivre. Un ensemble de rochers calcaires dessine comme un paysage de ruines romantiques. Le sentier sinue, à l'ombre, entre deux pentes ; des buissons de noisetiers, des sapins, le bordent. Dans sa méditation, hier, demain s'annulent. Il n'a de goût que pour la terre et les pierres. Cela fait trop de preuves pour douter. Certains persévèrent alors que les autres changent. Les pierres ne connaissent de traces que celles qui vont vers son passé. "C'est toujours compliqué et délicat de faire revenir les morts, de souhaiter leur retour…" Le vent circule derrière les arbres. Le paysage est comme un soupir dans le silence. Son âme exulte de se sentir si proche de son retour. Il se souvient de ce jadis si proche encore. Il attend avec inquiétude la froideur des nuits. Il pense à des jours de neige. A ras de terre, une vie multiforme et discrète affirme la tranquille continuité de la nature. Le monde entier des formes s'use et se renouvelle. Il court le risque du souvenir. Aussi loin que puisse remonter la mémoire des hommes, ses oncles, son frère, son père, son grand-père, ont arpenté ce sol cherchant la paix de l'âme. Sans rêves, que pourrait-il comprendre du monde. L'air a la transparence irréelle d'un ruisseau d'altitude : l'atmosphère est aux rêves. Il ramasse quelques brindilles. Il s'agit de tout vivre. Un petit oiseau vole devant lui, pas plus gros qu'une tâche d'ombre sous l'une quelconque des fleurs du paysage. A cette heure, c'est le désert et le silence. Il sait ce qu'il est, d'où il vient ; il sait son être. Autour de lui, le paysage est désolé : pas de végétation, mais des pierres, des pierres…. Toute joie se veut elle-même. Il devait pourtant exister autour de lui une trace de son passé qui lui serait accessible !… L'air est empli d'odeurs de terre. Il pense qu'il est arrivé, mais là où il est, il n'y a rien. Le silence l'attire-lui fait peur…. Certains survivent. Il écoute les longs échos ronds du silence. Il sait l'immensité de ce vide, le silence de ces déserts ; il pense qu'il n'aimerait pas que ce paysage soit plus habité ; il a même tendance à dire : "envahi". Tout ce qui est inquiétant dans l'avenir est plus familier et plus rassurant que le présent. Quoi d'autre peut encore venir. Il pense aux milliers d'hommes qui autrefois habitaient ces terres, aux longues listes de noms sur les petits monuments aux morts des villages. Sur les pentes douces des collines, l'herbe peine à dissimuler l'impatience des cailloux. Le paysage est minéral. Sur sa gauche, un dolmen éventré, lourde dalle grossière à peine exhaussée du sol sur quelques rudes pierres plates souligne l'indifférence du paysage à la présence humaine. Les mots s'entrechoquent dans sa tête. Les hommes d'ici ont des qualités rares. Pour vivre, il ne faut pas être conscient d'avoir à supporter la venue de la mort. Il fait de vagues projets. Une ombre courant devant lui, sans qu'il en voit la cause, sur la route blanche et déserte au soleil, le fait tressaillir. Il a confiance. Il doit se mettre en garde contre lui-même. Rien ici ne lui est étranger. Aparemment, le rythme du temps n'a jamais changé ici. La joie vient, elle s'en va. Que faire …. Le chemin rouge sang ouvre sa cicatrice dans le paysage. La frontière entre le passé et le présent suit ici une ligne sinueuse. Des ombres l'accompagnent, le protègent. Un oiseau crie Un cri paisible et rauque. Sa marche est lente, lourde. Il s'installe au cœur des choses. Son oreille se tend dans le silence sur un vide en lui qui n'a, soudain, aucun écho. Au-delà des lointains bleuâtres, l'air lumineux. En fin de compte, il ne se passe rien ; jamais il ne trouve vraiment ce qu'il cherche. Il n'est pas pressé. L'air ne porte aucune trace de passage. Il coudoie constamment l'invisible. Tous les jours lui sont sacrés. Les forêts et les rochers se taisent. "Comme tout ici est incroyablement calme !". Une étrange tristesse se mêle à ses souvenirs. Trop de choses étranges pèsent sur ses épaules. Il faut se méfier de ça, et bougrement, même.

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