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Écrits de Marc Hodges
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18 décembre 2013

des cadavres jonchent partout le sol

Mademoiselle Thérèse avance, regarde autour d'elle comme si elle cherchait quelqu'un. Un portrait représentant un individu vêtu d'écarlate est accroché au-dessus d'un meuble ocre et bleu ; aurait envie de discerner la mer dans l'obscurité, tous les bruits venant du dehors paraissent troubles. Ce que Benjamin Cooper a à dire le rend morose ; quelques fauteuils parsèment la pièce — un militaire traverse la foule puis se précipite vers un officier qui discute dans un groupe s'approche et, lui tend un paquet enveloppé dans du papier rouge. Elle paraît perturbée par les flots incessants d'images que diffusent les multiples écrans…. Un groupe d'agréables adolescents court sur la plage en riant, l'abondance des tableaux donne un aspect irréel au salon, de l'extérieur provient un bruit de fusillade. Sur la route, un homme court comme un dément — il y a un soupir dans la foule des invités, des groupes se déplacent, d'autres se dirigent vers les ouvertures ; un diadème lourdement chargé de l'éclat blanc de nombreux diamants confirme l'importance de la vieille dame inconnue — il y a tant de cadavres que les téléviseurs paraissent émettre une puanteur de mort — comme par hasard, un officier arrive à son tour... Le buffet semble somptueux : amoncellements de petits fours variés, saladiers de caviar, canapés d'esturgeon ou de saumon, accumulation de fruits, immenses plats de viandes diverses, entassements de parts de volailles, blocs de foie gras, piles de tranches de jambon, champagnes, whiskys, vodka, multitude de vins variés. Dans un nuage de poussière, un tank écrase les ruines d'une résidence, le mur du fond paraît tout occupé par un tableau rectangulaire. Au premier plan, une dame, cheveux longs blonds, toute nue, semble allongée sur le sol, à plat ventre, bras étirés vers l'avant. Penché sur elle, un chevalier fouille son corps de son épée tandis que ses chiens dévorent le cœur et les entrailles. La forêt, où se déroule la scène, paraît sereine : des biches boivent à une fontaîne, la mer semble agréable, le cheval blanc attend que tout se termine. Brusquement, Tristan Hanneton met un paquet de cigarettes dans une de ses poches, le vent fait balancer les voiles de mousseline. Le ciel est presque vide de nuages, de nombreuses portes s'ouvrent dans les murs, Tristan Hanneton se demande ce qu'il fait là ; sur un des écrans défilent des films vidéos, certainement d'amateurs, l'on voit des enfants rieurs jouer, au bord d'une mer, sur le sable. — aurait envie de discerner la mer dans l'obscurité.

La surabondance des images se déversant de certains écrans en rend le contenu anodin — Benjamin Cooper a du mal à respirer — le Maréchal, tenant à la main un bâton clouté d'étoiles, paraît assis dans une pose des plus austères. Benjamin Cooper s'assied sur le bord d'une banquette — un jeune marquis dont le jabot de dentelle met en valeur la délicate pâleur du teint fait face à une épaisse douairière. La tête ensanglantée, un soldat s'écroule à la renverse sur le sol ; le mur du fond semble tout occupé par un grand tableau rectangulaire. Benjamin Cooper s'approche du buffet — le monde paraît un monde de vidéo-présence. Cherche machinalement un endroit isolé de la foule... De nombreuses portes s'ouvrent dans les murs... Il y a dans l’air de légers arômes de nourriture ; les tableaux s'ajoutent aux tableaux dans une débauche de corps et de couleurs, des militaires traversent le hall en courant — Benjamin n’a jamais su la différence enfin-réel représenté, réel rêvé et-réel vécu. S'affole. Tout se brouille dans une cacophonie étrange et complète, s'affole. Le vent fait balancer les voiles de mousseline... Un légionnaire souffre. De l'extérieur proviennent, comme des viols, toutes les agressions du monde; derrière une fenêtre, Benjamin Cooper aperçoit la silhouette sombre d'un marin qui paraît monter la garde, visages défilent, laids très laids. Benjamin veut tout savoir sur Mademoiselle Aragorn, a aussi envie de tout lui dire sur lui-même. La pièce a quelque chose de la rigidité d'une galerie de musée, quelques groupes dansent un menuet lent... On entend comme des rafales de pistolets-mitrailleurs ou de pistolets… des tirs rapides et secs, les verres épais des écrans les protègent de l'agression du monde... Madame la comtesse Pandolfini aurait bien aimé s'asseoir —... Il y a comme une plainte dans la foule, des groupes se déplacent. Benjamin s'est sans arrêt voulu en retrait. Il semble qu'une grande agitation règne dans les jardins, des enfants jouent ici ou là ; des cadavres jonchent partout le sol ; un militaire semble en arrêt devant un écran, semble fasciné par ce qui y défile… Traverse l'immeuble en contemplant autour de lui. La scène semble figée dans l'éternité, il se sent inquiet... Il y a tant de cadavres que les télévisions paraissent émettre une émanation de mort… Benjamin Cooper s'avance vers Odette... L'espace semble plein. Regarde — se faufilant dans la troupe des invités, traverse la pièce comme cherchant quelque chose ou quelqu'un. Des écrans débitent à grande vitesse des images inquiétantes… A la vague réminiscence d'avoir peut-être rencontré cet homme ailleurs, ne pas être sûr l'affole. Les péripéties ont quelque chose de faux et d'artificiel— des immeubles sont en flammes ; autour, entre le monde et eux, la protection froide et déshumanisante des écrans de verre, le monde est plein de troubles. Les groupes s'étagent dans l'espace de la pièce, suivant un rythme perceptible — comme par hasard, un officier arrive à son tour ; un portrait représentant un personnage vêtu d'orangé est accroché au-dessus d'un meuble rouille et bleuâtre ; décide enfin de visiter les lieux, s'approche de l'escalier... Une multitude d'écrans vidéos creusent les murs. D'autres emplissent les caissons d'amandier du plafond. L'inquiétude est là — le film semble en technicolor, la pellicule un peu usée confère aux couleurs une teinte irréeelle., sous la fenêtre, Benjamin aperçoit la silhouette sombre d'un marin qui semble monter la garde. Benjamin laisse son regard traîner sur une des vidéos qui animent la salle… Il se surprend à penser longtemps mieux ailleurs, ne sait décidément plus ce qui l'affole.

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