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Écrits de Marc Hodges
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4 février 2013

distractions de neige

Chaudement vêtus, nous sommes partis d’un bon pas dans l’univers de la neige chantant à tue-tête la marche des Rois Mages : « De bon matin / J’ai rencontré le train / de trois Grands Rois / Dessus le grand chemin… » qui nous servait souvent de marche guerrière lorsque nous décidions d’attaquer des ennemis réels ou, le plus souvent, imaginaires. Sous le soleil encore oblique du milieu de la matinée la neige fraîche et poudreuse de la nuit mais brillait en des milliers de minuscules cristaux qui donnaient au paysage un air de fête. Le froid était vif mais sec et, sous nos vêtements, nous le sentions sur notre visage aux pommettes rouges, dans notre respiration qui faisait devant nous de tous petits nuages de vapeur, sur le bord de nos lèvres qui se desséchaient. Le paysage offrait des couleurs éclatantes, le ciel d’un bleu profond était une plaque étale d’acier, le vert des baies et des épines des genévriers épars rivalisaient de puissance avec les bosquets et les bois délimitant nos horizons. Tout était paix, joie, jouissance, nous nous sentions les rois de ce monde. Rythmant nos pas, la neige chantait sous nos raquettes, nous n’étions plus des enfants mais des explorateurs audacieux.

Le but que nous nous étions fixés était, à trois ou quatre kilomètres du village, une colline parce que, entourée de trois bosquets elle était comme une clairière où nous avions des chances de pouvoir relever des traces d’animaux sauvages, mais aussi parce que sa pente, totalement dégagée d’obstacles, nous semblait être la plus à même de nous faire profiter de la neige. Nous traînions en effet une vieille luge sur laquelle un d’entre nous — je crois que c’était André Bouviala — avait attaché une paire de ski taillée dans une planche que nous pouvions fixer à nos chaussures par de simples lanières de cuir, et nous nous promettions, lorsque nous serions lassés d’observer les empreintes de la vie sauvage, de profiter au mieux des joies sportives que proposait la neige. Nous avons marché un peu plus d’une heure avant d’atteindre notre but où, dès que nous sommes arrivés, nous avons commencé, nous asseyant sur la luge à nous reposer un peu, buvant l’eau de nos gourdes et dévorant, en nous racontant des histoires de gosses, les morceaux de pains que nous avions truffés de morceaux de sucre. Nous avions la certitude absolue que le monde était à nous.

Ayant récupéré nos forces, longeant la lisière du bois le plus haut, nous nous sommes mis à parcourir lentement la neige repérant tout d’abord les successions de flèches de passereaux, puis les cinq doigts griffus d’un écureuil roux descendu d’un arbre pour en rejoindre un autre, autour du trou visible d’un terrier, les griffures brouillonnes de ce qui pourrait être un rat, un peu plus loin, les deux ventricules du cœur formé par les empreintes d’un chevreuil descendant la colline pour chercher un point d’eau. Pendant près d’une heure nos regards furent ainsi rivés au sol et nous nous sommes méfiés de rien.

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