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Écrits de Marc Hodges
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23 novembre 2013

inquiètudes d'amour

Dans le calme de la campagne, dans la douceur tranquille de ce mois de juin languedocien, je pense souvent à ce que Stanislas m’a dit à diverses reprises de leurs dix jours passés hors du monde. Ce que je vous en rapporte ici n’est pas venu d’une seule conversation mais de nombreuses confidences faites à telle ou telle occasion dont je ne me souviens pas avec précision. A la lumière des événements ultérieurs, certains détails, qui nous avaient alors paru anodins, prennent soudain de l’importance : le présent construit la plupart de ses souvenirs… Ainsi, c’est entre la disparition de Zita en mars 1989 et la sienne propre, à la fin de cette même année, que Stanislas me rapporta un jour un incident auquel, à l’époque, il n’avait pas attaché d’importance car, disait-il, citant Mosariff ad-Din ibn Abdallah ad-Din Saâdi : «le vrai emblème de l’amour est le moucheron qui, ravi de l’éclat de la lumière, va s’embraser lui-même à son feu, et laisse la vie sans se plaindre»… Une de ces nuits où ils dormaient dans leur jardin isolé par la neige, il s’était réveillé ; comme à son habitude, il avait aussitôt cherché la chaleur veloutée du corps de Zita : elle n’était pas là. Il patienta quelques secondes pensant qu’elle avait dû aller boire un verre d’eau ou pour toute autre raison triviale mais, comme elle ne venait toujours pas, inquiet, il se leva, s’enveloppa de son tchapan de soie bleu-nuit, la chercha dans la petite maison. Celle-ci ne comptait que trois pièces et Stanislas eut vite fait de voir que son amie n’y était pas. Il ne comprenait pas : la nuit était très froide, la campagne couverte d’une neige de la veille, quelle raison avait bien pu pousser Zita à quitter la maison ? Il s’habilla plus chaudement, mit des bottes de feutre, une vieille veste militaire russe ouatinée et sortit dans le jardin… Le ciel était d’une luminosité glaciale, la lune, dans son deuxième quartier semblait y régner en maîtresse éclairant l’étendue de neige d’une lumière immobile : aussi loin que son regard portait, il ne put découvrir Zita mais des traces fraîches de pas dans la neige venant de la ferme s’imposèrent à sa vue. Il les suivit. Elles se dirigeaient vers le petit bosquet qui longeait le ruisseau. Sous ses pas, la neige craquait doucement… Quand il fut assez prêt du fourré pour voir au travers de la première rangée d’arbres, il lui sembla, dans la pénombre des arbres, distinguer deux silhouettes : il appela. Aussitôt une des deux silhouettes disparut tandis que l’autre venait vers lui : c’était Zita… Elle le rejoignit bientôt, s’élança dans ses bras : «je ne pouvais pas dormir, dit elle en l’embrassant, j’ai eu besoin de profiter de toute cette beauté nocturne… Je suis heureuse que tu me rejoignes ici, regarde la splendeur du ciel !» «J’ai cru que tu n’étais pas seule, lui dit Stanislas» Elle rit : «qui veux-tu qu’il y ait ici avec toute cette neige et en pleine nuit, nous sommes à des kilomètres de la moindre maison… puis elle ajouta en souriant malicieusement, tu ne vas pas me dire que tu es jaloux ?» «Je t’aime tant, dit Stanislas, la serrant contre lui, je t’aime tant» «Je parie que tu vas me citer un poème ouzbek» lui dit Zita ironique, mais le baiser fougueux dans lequel elle l’entraîna ne lui laissa pas le loisir de le faire.

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