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Écrits de Marc Hodges
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15 mai 2010

Vallongue, 15 heures 49

De loin en loin, un bout de pré cerne une lavogne desséchée. L'espace paraît soudain sensible, clair et liquide, comme une chose que l'on pourrait absorber, boire. André Pagès rêve que l'acuité sensible des jours est une bénédiction, il a besoin de compagnons vivants. Autour de lui, le paysage est désolé: pas de végétation, mais des pierres, des pierres… La plaine ne se termine qu'au ciel. L'exaltation que provoque en lui la profondeur orgueilleuse de sa solitude est contaminée par la certitude de l'ennui qu'il éprouve à vivre. Il veut une langue qui dirait l'indicible. La trame du présent s'entretisse indescriptiblement pour lui avec le passé. André Pagès est parti sans avoir eu le temps de dire adieu à personne. Le monde le possède et c'est ce qui l'éprouve. Car penser, c'est penser à la mort… La contemplation du paysage lui est une ascèse, il voudrait qu'il existe un lieu où le temps triomphe de son inanité. Les champs sont minuscules et fragiles.

André Pagès sait trop de choses qui ne comptent pas, hésite entre plusieurs solutions, avance, songe, s'attarde, se retourne, sent, se dit douter sérieusement de l'existence et tente toujours de se prouver qu'il est bien vrai qu'il vit. Le chemin rouge sang ouvre sa cicatrice dans le paysage, le ciel luit comme une enfilade de perles d'azur. Il s'éloigne, marche. Près de lui un arbre frissonne. Il ne vient personne, il faut tout mettre au passé… C'est un lieu d'adieux. Tout est solitaire, le temps ici a son poids d'éternité. André Pagès ne peut se laisser distraire par les à-côtés. La nature lui apparaît ainsi vaguement hostile. Paysage moucheté, terre, vert-noir, gris pierre, étalé, étiré sur d'intenses bandes. Le silence est si pur!

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