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Écrits de Marc Hodges
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14 mai 2010

Sidney retourne à l'hôtel Saint-Aignan

Arrivé devant la façade immaculée de l’Hôtel Saint-Aignan, il se souvient de la caméra, déroule son cache-nez pour être reconnu. Que sa venue puisse paraître incongrue ne l’effleure pas : Boèce de Dacie lui a dit de venir quand il voudrait, il vient. Il doit être le bienvenu. Qu’importe le temps passé entre le moment de l’invitation et celui de sa visite, Sidney accepte les mots pour ce qu’ils disent, non pour ce qu’ils dissimulent. Doigts ouverts, il plaque sa main droite sur les empreintes de la plaque de verre, note le léger déplacement de la caméra, l’avancée de l’objectif qui doit zoomer sur son visage. Dans l’interphone, la voix électronique d’un automate, déformée, lui demande son nom. Il se nomme. Sans autre explication, le grand portail de bois s’ouvre. Sidney entre dans la petite cour de l’hôtel. Le portail se referme derrière lui. Sidney marche sur le gravier vers les quatre marches de pierre du perron par lequel il a pénétré, l’avant-veille, dans l’immeuble. Le rez-de-chaussée s’illumine. Il ouvre la porte, reconnaît aussitôt la douce chaleur de la grande salle blanche à la moquette de laine écrue. Dans le silence absolu, l’impression de confort et de luxe qui l’avait tant impressionné lors de sa première visite se double maintenant d’un sentiment de calme, de sérénité, qui le met à l’aise. Les images mobiles et abstraites des écrans géants respirent sans fin. Équilibre et mesure… Alors qu’il aurait pu se sentir ici étranger, rejeté par ce monde si différent de celui où il vit habituellement, Sidney éprouve au contraire la sensation curieuse d’être chez lui. Il s’approche d’une des grandes fenêtres, contemple longuement le jardin. L’équilibre harmonieux des lignes trace une fluide promesse d’éternité; rien ni personne ne bouge. Il examine une à une les têtes de Bouddhas souriants aux attitudes toutes identiques et pourtant si différentes. Le sourire de l’une lui paraît plus paisible que le sourire de l’autre ; certaines manifestent de l’inquiétude ; d’autres une plus grande paix intérieure ; d’autres encore une intemporalité absolue. De toute la force de leur beauté, elles l’attirent, l’envoûtent comme si elles sublimaient cette profonde androgInie de l’amour familial qui berce l’enfance de l’homme et que Sidney n’a jamais connu. Tout en lui apportant un remède à l’absence, ces visages révèlent son manque, sa blessure profonde.

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