Débat au NRA
— Ne restons pas là, dit Serge,
suivez-moi… et il les emmène dans son refuge-laboratoire-atelier-tour d’ivoire…
Asseyez-vous, ajout-t-il en refermant la porte. — Voilà, attaque Jean Leber, j’ai
vingt ans, Hervé aussi, Patrig et Vincent, dix neuf, Yves dix-huit. Aussi nous
n’avons pas pu venir à votre réunion, mais nous avons tout écouté par la fenêtre.
— Et alors, hésite Robert ? — Nous en avons raz le bol de tout ça, dit
Jean Leber, nous voulons vous aider.
Ils sont tous assis sur une étagère
basse. Hervé, Patrig, Vincent et Yves regardent leurs souliers en silence.
Robert remarque qu’ils ont tous de grosses galoches d’écoliers d’autant plus éculées
que leurs propriétaires est âgé.
— D’accord, dit Serge, on va fonder
une cellule du NRA. — Y en marre, répète Jean Leber comme s’il n’avait pas
entendu, ça peut plus durer comme ça… — Que proposez-vous, demande Robert ?
— On sait pas, répond Jean Leber, mais faut que ça change. Opinant du menton et
émettant divers borborygmes bretons ses camarades manifestent leur approbation.
Patrig, du bout de sa galoche droite, gratte mécaniquement une brique, comme
obsédé par une goutte de peinture blanche qui fait tâche; un autre (Gwenn?)
se balance sur son siège d’avant en arrière. Tous semblent résolus et gênés. —
On va tirer un tract dit Serge. — C’est quoi un tract, demande Vincent Lejeune ?
— Un espèce de petit journal, répond Robert. — Oauis, acquiesce Yves Leguilly,
mais faut être méchant et ne pas avoir peur de dire merde… — T’as raison,
acquiesce Jean Leber, faut dire que le garde-champêtre est un salaud qui s’amuse
à nous flanquer des PV pour que nos parents nous rossent. — Faut dire aussi qu’on
est plus des gosses, propose Vincent Lejeune, qu’on veut pouvoir sortir quand
on veut, supprimer le couvre-feu pour les jeunes… — Et aller danser, ajoute
Hervé Leboëdec avec une certaine spontaneité exaltée.