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Écrits de Marc Hodges
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28 février 2006

Mémoire vs mémoires

J'ai toujours considéré comme suspecte cette capacité infinie de mémoire dont font preuve certains écrivains capables, non seulement de se souvenir avec une précision extrême de quantité de faits très lointains, mais aussi de se remémorer sans hésitation l'intégralité des réflexions, souvent au-dessus de l'âge qu'alors ils s'attribuent, des pensées ou des raisonnements qu'ils ont pu avoir à l'âge de sept ou neuf ans. Se souvenir n'est certainement dans ce cas que se construire une mémoire sans laquelle ils n'auraient pas de béquilles suffisamment solides pour vivre l'irrationalité de leur présent.

 

Ma mémoire est pleine de trous, de vides, de plages d'absence et c'est certainement ce que je trouve de plus intéressant en elle car ces creux sont autant de territoires abandonnés à la mémoire imaginaire, la seule qui vraiment m'importe et me permet, ancrée dans la vraisemblance des quelques pieux solides qui restent, de construire ce passé donnant ainsi au réel cette part de rêve sans lequel il serait rapidement invivable. Le plus intéressant est que je finis par y croire moi-même ne sachant bientôt plus, tant cet imaginaire est constitutif de ma personnalité réelle, lesquels parmi mes souvenirs  relèvent de l'histoire, lesquels relèvent de la fiction. L'homme ainsi se construit sur ses absences qu'il comble.

 

Puisque j’ai décidé d’écrire mes souvenirs, puisque j’ai décidé de le faire de façon à ce qu’ils puissent intéresser quelques personnes que je ne connais pas, qui ne me connaissent pas, il faut faire de cette impudeur exhibitionniste quelque chose d’autre. De si nombreux écrivains s’y sont essayés que cela constitue un genre. Or j’ai horreur des genres. Mon intention est bien plus prétentieuse: créer quelque chose d’original qui, à la fois, dise tout de moi, de ce moi que vous ne connaissez pas, et quelque chose de vous que je ne connais pas. Sous le prétexte du particulier viser une parcelle de l’universel car, au fond, qu’est-ce qui, de la vie d’un français moyen du vingtième siècle est susceptible de retenir — ne serait-ce qu’un tout petit peu — l’attention d’une jeune chinoise de Pékin (rêve de vieux mâle: une lettre — un commentaire peut-être — d’une belle jeune chinoise inconnue qui donne portrait et adresse… ces rêves-là, même s’ils ont quelque chose de dérisoire, sont de ceux qui permettent en effet de tenir… j’attendrai donc).

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