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Écrits de Marc Hodges
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7 juin 2015

Adur se sait condamné à une fuite sans fin

Adur a donné la somme nécessaire, le semi-vieillard à la barbe de trois jours et une tache (de quoi ? Vin, graisse, sueur ?) sur sa chemise bleue délavée a décroché une clef sur le tableau, « la 23, deuxième étage »... Comme si, cette discrète fiction devait parvenir à chasser toutes les pensées qui l’obsèdent, tournent, dont il n’arrive pas à se débarrasser sans pour autant imaginer un début de solution à ses problèmes. Adur est devenu un porteur de virus susceptible de contaminer tous ceux auxquels il pourrait parler et il n’y a ni vaccin ni antibiotique susceptible de le désinfecter ; point... Adur se sait condamné à une fuite sans fin dans l’espace le plus anonyme possible tout en n’ignorant pas que cet espace est aussi celui de ses ennemis, de ce monstre collectif aux multiples ramifications et tentacules qui n’a, comme seul but, de le trouver, par tous les moyens, et de l’éliminer, lui, et tous ceux qu’il pourrait avoir infecté ; Adur n’ignore pas que de nombreux écrivains, au moins depuis Kafka et son fameux Joseph K qui subit un destin auquel il ne comprend rien, ont exploité ce thème de l’homme soudain jeté par le hasard le destin dans une situation qui les dépasse et les oblige à tout abandonner, disparaître, essayer de se donner une nouvelle vie avec toutes les difficultés que cela représente... S'il possédait une bonne vingtaine de paires de chaussures de toutes sortes n’ayant chaque matin que l’embarras du choix, dès qu’il serait parti, cette facilité lui est désormais interdite. Adur avait horreur de l’improvisation comme de l’imprévisible... À côté de la télé, à la même hauteur, un autre écran, sur lequel un des consommateurs tantôt fixe son regard, tantôt regarde la grille qu’il tient dans sa main droite, affiche sans interruption les numéros d’un loto instantané — le temps a passé ; il ne sait plus exactement depuis combien de temps il rôde ainsi dans le labyrinthe de la ville et de ses banlieues ; Adur marche dans une rue où il lui semble ne jamais être venu auparavant ; un peu plus loin une porte s’ouvre et se ferme — dans sa solitude il est pris de peurs paniques. Quand vivre. Un rayon de soleil perce les feuillages des grands arbres. Et son effacement lui est un peu douloureux. Le bourdonnement continu de l’autoroute est le ronflement de son grand-père dormant dans la chambre qu’il occupait enfant, les lueurs des phares qui cisaillent le sommet des arbres bordant le talus semblent pousser des cris d’effroi... Adam hésita longtemps, posa beaucoup de questions sur ce point ; Adam devient de plus en plus paranoïaque. Adam savait qu’il lui faudrait être léger, qu’il ne pouvait envisager d’emporter avec lui le moindre objet inutile mais qu’au contraire chacun d’entre eux devait non seulement être indispensable mais, dans sa catégorie, être le meilleur de tous les objets possibles. Adam ne s'est jamais senti bien parmi les hommes. Adam devait disparaître : il a disparu mais il ne peut s’empêcher de s’imaginer tout ce que chacun de ses enfants, ce que sa femme ont pu construire comme fiction pour s’expliquer cette fuite inexplicable... Les souvenirs n'ont de saveur que lorsque, soutenus par la force du présent ils en rehaussent les saveurs, car sinon ils nous intoxiquent. Dans un hêtre une bergeronnette chante — pendant ce temps d'autres travaillent... Adam va vers un bazar chinois débordant d’objets hétéroclites depuis des montres en forme de Superman à des balayettes pour chiottes en passant par des tournevis de toutes tailles — Qu’il ait de l’argent est une réalité indéniable. Pas une question d’argent.

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