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Écrits de Marc Hodges
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3 septembre 2014

le roman ne m’intéresse pas

Tout en esquissant son sourire le plus carnassier, il plante de façon provocatrice son regard dans celui de Marielle, « fini de jouer se dit-il, on va bien voir qui va mener le jeu ».
—    Je vais être très franche avec vous…
Elle sourit et son sourire leui fait comprendre qu’elle entend bien, elle aussi, jouer sa partie.
—    je suis très connu comme romancier et, je crois, si j’en juge mes ventes, très apprécié des lecteurs mais…
Tout en ne quittant pas son regard, il marque un moment d’hésitation comme s’il hésitait à s’engager plus avant, comme si les paroles qu’il allait prononcer l’engageait au-delà des limites au-delà desquelles il était prêt à aller. Ça fait partie du jeu, elle doit sentir qu’il s’engage plus avec elle qu’avec tous ceux qui l’ont précédée, elle devrait s’en trouver flattée et baisser sa garde. L’abandon à l’autre n’est-il pas un élément d’une stratégie de séduction. Il a d’ailleurs senti qu’elle aime l’inattendu et que pour lui plaire il faut lui donner un interview hors du commun.
—    Mais…
—    mais je considère ma production romanesque comme seconde. En fait, le roman ne m’intéresse pas beaucoup…
—    Vous exagérez, vos succès disent le contraire…
—    Mes succès ne révèlent rien d’autre que le fait que je sais écrire et que j’ai compris ce que les éditeurs actuels, puis les lecteurs — car je ne sais pas vraiment qui pilote l’autre — attendent d’un roman. Et comme je l’ai compris, que j’ai une certaine maîtrise des règles, je produis les produits voulus.
—    Vos lecteurs vont être déçus…
—    Bien sûr que non puisqu’ils ont ce qu’ils veulent, ils ne sont pas dans le mythe de la postérite, ni dans celui du génie, ce qu’ils veulent ce sont des romans d’aujourd’hui qui leur plaisent aujourd’hui et les distraient de tous les emmerdements de leurs vies quotidiennes. C’est ce que je leur offre.
—    Et la poésie ?
—    La poésie c’est autre chose. Comme je la publie sous divers hétéronymes pour ne pas être reconnu, comme je ne la diffuse que sur divers blogs sur Internet avec des titres plus ou moins improbables, je l’écris pour moi — éventuellement pour quelques lecteurs qui tombent dessus par hasard, mais il y en a peu — et je peux donc écrire là ce que j’ai vraiment envie d’écrire : il n’y a aucun enjeu ni de notoriété ni financier…
—    Vous voulez dire que vous n’êtes vraiment vous-même que dans votre poésie
—    En effet
—    Maurice Roman c’est donc bien vous.
—    Oui, Maurice Roman et bien d’autres…
—    Qui ?
—    Je ne vous le direz pas car ce serait rompre le contrat que j’ai passé avec moi-même
—    C’est-à-dire ?
—    N’écrire que pour moi, être vraiment moi dans l’écriture
Elle le regarde intensément, se demande s’il se moque d’elle… « je gagne se dit Constantin, j’avance, elle me plaît bien, poussons mon avantage… »
—    Ou du moins je ne le dirai pas dans une interview destinée à être publiée. Vous avez déjà trouvé Maurice Roman. C’est beaucoup, c’est trop… Je vous serais reconnaissant d’oublier cet auteur dans votre interview.
—    Je ne peux pas, c’est sûrement cette découverte qui va le plus intéresser mes lecteurs.
—    Alors, restons en là.

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