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Écrits de Marc Hodges
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18 mars 2014

Dire c’est dire autre chose

La vie et ses récits s’emmêlent inextricablement, certains d’entre vous se souviennent peut-être que dans un précédent courrier j’ai cité des vers du poète Chawkat Rahmon que Stanislas aimait beaucoup. Voilà  :
 
« From: H. Ismaniloff <hamid@bbc.board.uk>
To: "'Jean-Pierre BALPE'" <jbalpe@away.fr>
Subject: RE: Mail-roman "Rien n'est sans dire", courrier N°53
Date: Sun, 24 Jun 2001 18:10:20 +0100
Status: R
 
Dear Jean-Pierre, you may not know, that Shavkat Rahmon died, but not as he has predicted in his poem, which you recited  : « one day finding so big death, which is as big as his life », but suffering from lung-cancer and writing in his last poem to his daughters: « the earth is, but I haven't enough air to breath... »
 
Je vais au jour le jour, je pense que vous percevez combien tout cela m’est difficile : je ne suis pas un écrivain professionnel — je le dis sûrement trop souvent…— et cette histoire est si embrouillée que je ne sais plus toujours où je vais.… Aujourd’hui c’est à Quimper… Je sais, c’est un mauvais jeu de mot, mais après tout pourquoi devrais-je me l’interdire ? De plus, ce n’est pas une raison suffisante pour que je vous en parle : vous n’en avez rien à faire… Je vous comprends… Quoique, si vous connaissiez Quimper !


En fait, vous comprenez certainement que je suis perdu : je ne sais plus que penser ni que faire ; ne sachant plus quelle cible viser, je progresse à vue. Suite à la provocation de Stanislas, j’ai d’abord cru que jouer à dissimuler le dire de la réalité serait chose facile : il suffisait de changer les noms. Quelle naïveté ! Les mots ne disent pas le monde, le mot « chaise » ne dit pas la chaise mais les idées que nous nous en faisons. L’Ouzbékistan n’est ainsi que l’ensemble des idées que chacun d’entre nous a sur ce territoire : votre Ouzbékistan n’est pas le mien, ce qui pour certains de vous est affectation de snobisme est, pour un autre, rêve de mille et une nuits, pour un autre encore un complexe de poussières et d’odeurs. Pour moi !… De même Stanislas, que serait son récit devenu s’il s’était appelé Anthelme ? Pourtant c’est bien de son histoire que je parle, de l’histoire de ce X… dont je ne briserai pas l’anonymat. Dire c’est dire autre chose, beaucoup d’entre vous, comme vos échanges en témoignent, l’ont aperçu ; à travers vos courriers, vous dites ce que vous êtes comme vous pensez que, à travers les miens, je dis ce que je suis. S’est installé ainsi un jeu complexe de miroir, de caches et d’obturateurs qui ne montrent de cette réalité dont, prétentieux et maladroit, j’essaie de vous parler que des images changeantes et déformées dans lesquelles, comme dans un sac à viande de wagon-lit, je suis, à force de bouger en tous sens, maintenant saucissonné. Que reste-t-il alors ? Il aurait été si simple de rapporter, quels qu’en soient les rebondissements, une histoire telle que celle que la plupart d’entre vous attendaient : une ou plusieurs victimes, un ou plusieurs coupables, une intrigue avec son début, sa fin et ses indices obligés, un ensemble — quelle qu’en soit l’ampleur — de rebondissement, un univers de référence dans lesquels vous vous retrouveriez… Je comprends ainsi le désir frustré de tous ces lecteurs — Buttazzoni, Delsoussol, Deplanches, Dubromelle, Mierzfrigo, Ouersighis, Perelmuter, Weissberge, Atrabiller… et bien d’autres, dont je ne sais même pas si c’est le véritable nom — qui tentent sans cesse de me ramener dans leur droit chemin… Dois-je avouer même que, sous certains d’entre eux, je commence à soupçonner quelques connaissances ? Mais la réalité ne peut être leur réalité, celle dont je ne suis que le narrateur a ses vérités propres qui ne sont peut-être pas si simples à percevoir… Qu’y faire ? Faut-il nous séparer ici ? A moins de tous m’abandonner vous ne pourrez m’obliger à m’arrêter là… 

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