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Écrits de Marc Hodges
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27 février 2014

Le collège

J'émerge un peu de cette vague dépression qui m'a retiré du monde durant quelques jours mais revient le désir d'écrire, de jeter mes mots aux vents désordonnés de lectures sans retour. Hier — comme souvent — je lisais un de ces vieux quotidiens que j’achète j’ignore pourquoi et laisse traîner dans un panier au coin de la cheminée. L’événement du jour était la rentrée littéraire et ses 646 romans annoncés. Le journaliste commençait ainsi son article : « Les changements du paysage français se lisent dans la littérature de la rentrée ». Belle formule creuse, comme si un roman était une étude de sociologie : qu’est-ce donc que ce « paysage français » ? Ma vieille voisine qui vient d’être obligée de vendre sa maison de famille pour se payer une mauvaise maison de retraite en fait sûrement partie. Pourtant je doute que sa vie intéresse le moindre éditeur. Ce qui les intéresse c’est l’éternelle plainte de Christine Angot ou les « bites » toutes les cinq pages de Michel Houllebecq. Ce qui les intéresse c’est le sensationnel, donc le factice avec de vieilles recettes pimentées de violences, de scandales et de sexes. Ma Vie, si effacée, ne peut les intéresser. Ils ont raison, ils n’en vendraient pas plus de 20 exemplaires, même s’ils en distribuaient 200 en service de presse.

J’aime cette remarque de Gertrude Stein dans « L’histoire géographique de l’Amérique » : « Il n’y a pas de raison pour que les chapitres doivent se suivre car rien ne suit autre chose, pas maintenant encore. » La chronologie n’est en effet qu’une reconstruction artificielle du souvenir que nous avons de notre passé car nous vivons nos vies en épisodes plus ou moins forts indépendamment du temps réel des horloges. Si j’essaie ainsi de me remémorer mes années de collège, hormis l’impression générale d’ennui dont j’ai déjà parlé — car il faut distinguer les souvenirs vagues et flous de nos impressions générales, des moments plus forts et précis qui reviennent dans un ordre non maîtrisé —, peu d’épisodes demeurent, le temps me semble s’être enfui comme un lièvre : de toutes ces années, il ne me reste presque rien tant chaque jour était semblable à tous ceux qui le précédaient et ceux qui le suivaient. Impression générale donc…

Petit paysan au milieu de tous ces enfants de petits (parfois tout petits) bourgeois et de plus excellent élève, je devais, à tous moments, faire oublier mes origines et me faire adopter de la classe. On attendait de moi quelques exploits, pas dans le domaine scolaire où, étant de loin le plus jeune, je n’avais rien à prouver et devais plutôt essayer de faire oublier mes performances qui rendaient jaloux, et donc agressifs, mes condisciples ; pas dans le domaine sportif où mes deux ans d’avance me condamnaient à jouer les second rôles… Aussi, alors que les professeurs — les femmes surtout — avaient tendance à vouloir faire de moi leur favori, je jouais sans cesse le rôle de trublion et de perturbateur. Tout rôle à contretemps de ce qu’attend un milieu le mettant mal à l’aise, les enseignants ne savaient plus trop que penser de moi. Je me souviens par exemple, d’avoir rapporté d’un de mes rares week-end à La Roche une de ces vipères dont j’ai déjà parlé auxquelles nous arrachions les crocs et de l’avoir discrètement lâchée dans la cour au moment de ce que nous appelions alors « une leçon de gymnastique » et, feignant l’affollement, de crier aussitôt : « un serpent, un serpent » provoquant une belle débandade dans ce milieu de petits bourgeois plutôt citadins. Une autrefois, au printemps, en classe d’allemand, un hanneton sorti d’une boîte d’allumette auquel j’avais attaché un long fil à une patte. Ce fut un moment de joie, même si, sous les menaces de punition collective, je dus ensuite mé dénoncer.

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