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Écrits de Marc Hodges
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3 février 2014

Stanislas me manque

« X-Sender: Pierre_Levordasky@UQuebec.CA
Date: Wed, 20 Jun 2001 11:48:26 -0400
To: Jean-Pierre Balpe <jbalpe@away.fr>
From: Pierre_Levordasky@UQuebec.CA
Subject: Re: Mail-roman "Rien n'est sans dire", courrier N° 69
 
Salut Jean-Pierre,
Enfin, la mystique soufi !
« Je suis pareil au cavalier monté sur un cheval sauvage
Dans le désert, le cheval court, le mors aux dents
Il vole comme l'oiseau pour se libérer de la cage
Mais la halte de ce coursier, où est-elle, où est-elle? »
Al Rûmi »
 
Je ne sais si vous vous moquez de moi ou sympathisez. Les deux, peut-être…   

Je rentre à Paris, quitté il y a quinze jours, sans joie particulière : mon couple n’est pas un échec mais une absence, j’ai l’impression de plus en plus forte d’être extérieur à ma famille et que ce n’est qu’à La Bégude que je trouverais une joie entière… Pourtant, je n’ai ni le courage de tout rompre, ni celui de faire comme si rien n’avait été. A quarante deux ans je me sens vieux, mon métier me laisse insatisfait car si, en politique, il faut énoncer les choses pour qu’elles soient conçues, les dire ne suffit pas pour les faire exister : j’ai trop souvent l’impression de passer mon temps en palabres inutiles. Pourtant, c’est tout ce que je sais faire… Stanislas m’a donné le goût de la littérature orientale ; oserais-je vous avouer que je me reconnais dans cette parabole de Machrab ?
 
«Machrab traversa des montagnes, arriva à Kashgar, devant la porte d'Ofok Khodja, un descendant du prophète, et pleura de joie lorsqu'il entendit celui-ci ordonner : "Soufis, amenez-moi ce mendiant !"
Les soufis jetèrent Machrab aux pieds d'Ofok Khodja qui, lui tenant les mains, demanda : "D'où viens-tu vagabond ?"
Shah Machrab : "De Namangand."
Le maître : "Si tu sais quelques vers de Hafiz, dis-les nous !"
Machrab déclama le ghazal : "Les hommes qui changent la poussière en or nous regarderont-ils…"
Le maître, leva les mains au ciel : "Assez, je brûlerai si tu en dis davantage… S'il te plaît, dis ton propre ghazal".
Machrab récita…
Ses paroles plurent au maître. Ouvrant les mains comme pour prier, il frappa Machrab dans le dos. Celui-ci, pareil à une poule décapitée, s'écroula sans connaissance. Prenant sa tête sur les genoux, le maître comprit alors son secret : Machrab ne trouvait pas de maître pour remplir d'huile la lampe de son âme et allumer la mèche.
Il lui dit : "Deviens mon domestique !"
Machrab se leva et s'inclina en signe d’acceptation.»
 
N’avais-je pas, un temps, trouvé mon maître en Stanislas, celui qui nourrissait de l’huile de ses activités la flamme de ma vie ? Plus j’avance dans mon récit et plus je dois m’avouer que si Stanislas me manque c’est peut-être qu’à travers lui me reviennent comme par bouffées ces nostalgies d’une adolescence dont j’ai laissé s’enfermer les rêves dans la médiocrité d’une vie bourgeoise…

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