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Écrits de Marc Hodges
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27 juin 2013

un être triple

S’oublier… Il faut souvent réussir à s’oublier pour vivre, oublier que l’on a un corps et que celui-ci est fragile, capricieux, que l’on n’en a jamais, bien que l’on s’y efforce, une maîtrise complète. Il me semble ainsi souvent que je suis un être triple, il y a celui qui pense, regarde, voit, entend, écoute, celui qui croit être dans ce qu’il considère comme la réalité même si sa pensée s’arrête devant la nécessité de définir avec précision ce qu’elle est au-delà de ce qu’elle semble être ; il y a celui qui parle en moi, quelque chose comme une voix interne que je ne peux contrôler totalement me donnant parfois l’impression étrange de rêver tout en étant éveillé par ces images qui s’imposent, ces mots, ces phrases rattachées à rien qu’à une imagination pure qui se disent à l’intérieur de moi, ces phrases dont la plupart ne résistent pas au fluide du temps me laissant une curieuse impression de possession comme si une pensée autre parasitait un temps mon cerveau, mais aussi, parfois, plus rarement, ces phrases stupides, mystérieuses, sans début ni fin, qui m’envahissent totalement jusqu’à l’obsession tournant en boucle durant des heures dans mon cerveau qui voudrait s’en débarrasser et n’y parvient pas chaque tentative de penser autre chose, de chasser ce langage parasite, ne réussissant qu’à donner plus de force encore à ces mots comme une tornade dont la force circulaire se nourrit de son passage sur un monde étranger. « tentative de plénitude », « le ciel est un carrefour », « le ciel est un carrefour », « le ciel est un carrefour », cent fois, mille fois répétés mentalement, tournant sans fin dans mon crâne, m’empêchant parfois de dormir ou me réveillant en pleine nuit puis soudain, sans raison apparente disparaissant, s’évanouissant sans que je sache pourquoi jusqu’à ce qu’une autre « le passant innomé » ou « j’achète de solides désirs », au moment le plus imprévisible se parlent.


Il y a enfin l’être de chair, le corps qui parle à sa façon, de manière tout aussi inattendue comme lorsque, à la suite de la mort soudaine de ma mère, il se couvrit d’une « dermatite lichenoïde », d’étranges boutons mauves, notamment dans des régions du dos que j’étais incapable d’atteindre seul pour la soigner d’une pommade comme si ma chair me signifiait que, bien que depuis longtemps adulte, j’étais encore un petit enfant réclamant l’attention et les soins maternels, comme pour rappeler qu'une mère ça sert aussi à ça, caresser le dos de pommade aux endroits que l'on ne peut soi-même atteindre. Il faut alors oublier, essayer de ne pas prendre au pied de la lettre ce langage du corps, de ne pas lui accorder toute l’attention qu’il réclame avec insistance, faire comme si j’étais le maître. Ne pas se lamenter, s’apitoyer sur soi-même, geindre, faire comme si… Comme si tout cela n’avait pas d’importance, comme si les démangeaisons ne pouvaient prendre le dessus sur la pensée, comme si la douleur au genou n’était qu’un épiphénomène. Refuser de s’écouter pour refuser de vieillir.

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