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Écrits de Marc Hodges
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25 septembre 2011

Erigmore Castle

X-Sender: jbalpe@mail.away.fr
Date: Mon, 23 Apr 2001 18:26:05 +0100
To: undisclosed recipients
From: Jean-Pierre BALPE <jbalpe@new.fr>
Subject: Mail-roman "Rien n'est sans dire", courrier N° 13

Je vous ai dit hier que j’étais à Lisbonne, qu’est-ce qui prouve que je ne suis pas à Genève ou même à Hongkong, Montréal ou Moscou? Ma situation géographique réelle a-t-elle vraiment de l’importance pour le récit que je dois vous faire? Peut-être… certainement, à vous de voir…

De juin à juillet 1980, Stanislas est parti à nouveau pour l’Ouzbékistan, mais comme ma sœur se mariait en ce début d’été, je ne pouvais pas le suivre ce que j’aurais pourtant bien fait volontiers. Cependant, au mois d’août, je fus invité à Erigmore Castle, la sombre, verticale et austère bâtisse carrée bâtie au bord de l’Eden tenant lieu de manoir de famille. Quel changement avec la famille ouzbek dont j’avais fait la connaissance l’année précédente: le père de Stanislas était un officier écossais véritable: moustache, kilt pour les grandes circonstances, cheval sur ses landes des Lomond Hills, discrétion extrême, golf dans son club de Glenrothes… En fait, il se comportait pratiquement comme s’il ne voulait pas montrer qu’il nous savait là. L’unique domestique de la maison, une jeune femme, s’occupait de nous, veillait à ce que nous manquions de rien mais nous ne vîmes le «baronet» que les quatre fins d’après-midi où il nous fit savoir qu’il serait heureux de partager son thé. Mon usage de l’anglais étant meilleur que celui de l’ouzbek, nos conversations étaient sereines et protocolaires, n’abordant que ce qui ne pouvait fâcher personne et restant dans la décence d’un dialogue d’adultes cultivés d’agréable compagnie. Pourtant, entre Stanislas et son père, semblait passer une réelle complicité. Je sentais que mon ami était heureux d’être là et que son père l’était également. Comme je ne savais pas monter à cheval, me laissant rêver seul au bord de la rivière, ils partirent ensemble quelques après-midi et, de ma chambre, il m’arriva, certains soirs, de les entendre discuter dans la pièce qui tenait lieu de fumoir. J’admirais la grâce de Stanislas qui lui permettait de faire accepter comme autochtones ses yeux bridés de mongol dans un club anglais d’Edimbourg ou la pureté de leur bleu écossais dans une medersa de Boukhara.

À cette époque-là, je ne me posais pas encore de questions: Stanislas m’émerveillait, je n’étais pas loin de considérer comme un être supérieur ce jeune homme de mon âge qui parlait couramment six langues alors que, en dehors de mon français maternel, je n’arrivais, avec d’énormes maladresses, à communiquer un peu que dans mon anglais scolaire.

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