De l'écriture et de la vie

Il m’arrive de me demander pourquoi je vous raconte tout ça. Vous n’en avez rien à foutre. Et moi ? Pourtant je continue à le faire. L’action est souvent découplée de la pensée. Du moins chez moi. Je ne crois pas à l’avenir, et ne me soucie pas de l’immortalité. Je me fous de ce que X ou Y peut penser de moi ; encore plus de ce que je fais de ma vie… et pourtant je continue à raconter inlassablement mes relation avec Jean-Pierre Balpe. A cette étape de mon récit, elles passent par Gilberte. Qui s’en soucie? écrire est comme croire en Dieu: un pari pascalien. Si on n’est jamais sûr que ça serve à quelque chose, en tous cas ça ne fait pas de mal et on verra bien. Je pourrais passer mon temps à chasser les petites filles, les petits garçons, les grand-mères, les timbres ou les papillons, mais ça ne m’intéresse pas, je pourchasse les phrases et les mots. Une autre forme de jouissance ni plus ni moins utile que n’importe quelle autre activité. D’autant que j’en vis. Sur ce point Balpe ne ment pas totalement: plutôt mal, courant après les commandes, les bourses, les résidences d’écrivain de toutes sortes… les cachets: une lecture de «poésie» ici — quatre jours de survie —, une rencontre littéraire là — quelques jours encore. Publier, mais il est vrai que je publie peu, et que ça ne me rapporte rien. Pour avoir quelques chances de gagner de l’argent par la vente de livres, il faudrait que j’accepte de travailler sérieusement: construire une intrigue, faire des recherches historiques ou sociologiques, des études statistiques sur les thèmes à la mode, jouer le jeu de l'édition, etc. puis travailler. Je m’y refuse : j’aime trop l’état de farniente léthargique qui me fait passer mes jours à les rêver de bistro en bistro. J’en paie le prix…