La Condamine, 11 heures 28
André Pagès apprécie
aussi la pureté du passé. Si tout cela ne signifiait rien? Il rit, s'arrête,
s'en va. Petits plis de terre brûlée. Il s'est toujours débattu avec lui-même.
Il ne rencontre que trop de ruines. Demain est là, déjà palpable et pourtant si
lointain et si flou. Il est lien, relation, rien d'autre. Son oreille se tend
dans le silence sur un vide en lui qui n'a, soudain, aucun écho. La frontière
entre le passé et le présent suit ici une ligne sinueuse. Il aime ceux qui ne
veulent pas se conserver. Il y a dans la nature des lieux où même les serpents
se sentent seuls. Il va à pied. La couleur des choses passées, aimées, ne
quitte plus son imagination. Il laisse faire comme s'il y avait là quelque
chose de plus ancien qui, un jour, dans des circonstances révolues, avait été
une part de lui. Toutes les odeurs d'herbes se mêlent.
Un oiseau
dans l'air serait le bienvenu… André Pagès ne peut comprendre que ce qu'il possède
vraiment, exige le monde de cette façon là. Il a l'esprit confus. Espoir.
Tout est encore possible! Il marche dans la mort, dit désespérément des traces
de vie vrai. De ses ancêtres, il connaît tout, ignore tout. Il se dit que la
seule conversation intéressante a lieu quand personne n'entend. L'air reste
toujours libre. Il se veut ici totalement chez lui, ne peut pourtant chasser de
son esprit une vague joie. De loin en loin, un bout de pré cerne une lavogne
desséchée. Il se force à se redresser, respire profondément… Les pierres méditent
sous la lumière. Il marche calmement.