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Écrits de Marc Hodges
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13 septembre 2015

L’Œil Velu

Je décidais d’employer l’été de mes vacances à utiliser ce petit matériel d’imprimerie pour créer, bien que je n’eusse qu’une très vague idée de ce que cela signifiait concrètement, ma propre revue et, encore une fois, Raymont Lachance m’y encouragea vivement. M’inspirant du « Cœur à barbe » de Tristan Tzara dont j’avais pu lire le numéro unique dans la bouquinerie, je décidai de l’intituler « L’Œil Velu » et me proposai, faute de relations, dans son premier numéro que des textes que je produirais sous divers pseudonymes et, dans le même temps, de lancer une collection de recueils « Faire, Ne Pas Faire» espérant attirer rapidement de jeunes écrivains locaux (mais je n’en connaissais aucun) ou pas. Ce seul fait d’avoir décidé de me lancer dans ce travail me donnait déjà l’impression que j’entrais dans le monde professionnel de la littérature, que je ne pouvais pas ne pas avoir de lecteurs et que je devais produire davantage. Je me lançai dans ce travail avec enthousiasme. Si je ne savais pas exactement ce que je voulais faire, je savais ce que je ne voulais pas faire. Ainsi j’avais résolu d’abandonner complètement le vers classique qui m’avaient pourtant valu mes premiers succès publics comme je l’ai déjà raconté pour travailler sur des formes inédites. Ainsi chacun des six hétéronymes du premier numéro de la revue devaient avoir chacun un style très différent. Cette contrainte m’obligeait à inventer des procédures de production sans lesquelles je n’aurais jamais pu réaliser, dans un temps court, les quelques soixante pages que je m’imposais par moi : Pierre Bérenger écrivait une poésie en prose très fortement inspirée de Gertrude Stein dont je venais de lire, en anglais ce qui me la rendait encore plus étrange, The Autobiography of Alice B. Toklas ; Lothaire Rimold imposait à ses textes des contraintes mathématiques fortes ; Hilderman Avit proposait des biographies syntaxiques ; Caïn Arichis, des poèmes métapoétiques ; Vulfetrude Rothade (la seule femme de ce numéro), les poèmes érotiques qui existeront ensuite sous le titre Poème de Marc Hodges à Gilberte ; Audulf Guifred, ce qu’il appelait une littérature de l’inconscience, petits textes en prose travaillant sur quelque chose comme des centons à partir de toutes mes lectures ; et sous, mon nom, des textes extraits d’un ensemble que je me proposais ensuit de publier comme mes premiers recueils : La Mort dans l’Âme et L’Amour dans l’Âme, dont voici un exemple : « Ici tout s'enfonce dans la clarté. La vie intérieure. Les choses ne lui sont pas muettes. Des étendues, des étendues de petits plis, des étendues de perplexité, de désolation, de souvenirs…. Il s'ouvre goulûment à ce silence qui le nourrit. Quelques rares chardons sont le seul ornement du paysage aride. L'extrême pauvreté de ce monde lui est une jouissance égoïste. Il a toujours vécu ici, n'est jamais parti, n'a jamais connu autre chose : il le pense, le croit. L'avenir n'impose pas son évidence. Il marche dans la musique du silence. Il regarde la fleur légèrement mauve et dérisoire d'un chardon perdu au bord du chemin. Tout fait événement pour qui sait trembler. Il s'arrête encore. Sous son aspect immuable et tranquille, le paysage porte la mort, la diffuse, l'épand sur toute chose. La trame du présent s'entre-tisse indescriptiblement pour lui avec le passé. Tant de choses remontent en sa mémoire. Pour se dire, ses mots déchirent ses artères. Certains pourtant survivent. Il jette des pierres pour le chien qui le suit et ne cesse de les lui rapporter. Il se promet de ne pas être dupe de toute cette beauté, de la force apaisante des lignes, il s'oblige à penser à la mort que cela représente aussi, mais, malgré lui, une tranquille plénitude le gagne. ». Textes qui demandent quelques lignes d’explication.

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