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Écrits de Marc Hodges
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16 juillet 2010

Une discussion sans intérêt

Cette discussion banale et que Peter Peterson trouve de plus en plus sans intérêt, s’éternise. Peter se demande où ce Tran Van Quinh veut en venir. Il parle de littérature française, glisse peu à peu sur la littérature vietnamienne. Peter Peterson écoute. Vaguement. Il s’efforce d’oublier l’ennui de cette parole nasillarde dans la beauté du spectacle du Palais d’été dans lequel ils se sont mis à marcher. L’air est doux, agréable. L’homme semble sentir qu’il ennuie son interlocuteur. Comme pour se sortir de cette situation dans laquelle il s’est mis lui-même, il accélère son débit de parole, en arrive à bégayer. Peter : — Je suis désolé, Monsieur… — Thuân Thiên. — Je suis désolé, Monsieur Thuân Thiên, mais je dois retourner à l’Imperial Hôtel, j’ai un rendez-vous avec une personnalité Cambodgienne… Il dit n’importe quoi. Un moyen comme un autre de se débarrasser de son interlocuteur. — Le Docteur Somanos Kal? Peter Peterson s’arrête de marcher, relève brusquement la tête, regarde son interlocuteur dans les yeux : — Non… — Il n’y a pas d’autre écrivain cambodgien présent à la conférence… — Qu’en savez-vous? — Je suis très intéressé par la littérature comme vous avez pu le constater, je me suis renseigné, il n’y a qu’un seul écrivain cambodgien. Peter hésite, ferme très brièvement les yeux: — J’ai dû me tromper de nationalité, vous savez, par mon métier je rencontre énormément d’écrivains de toutes nationalités. J’ai pu me tromper de pays… Peu crédible. Il sait qu’il est peu crédible. Il s’en moque. Il n’a aucun compte à rendre à cet inconnu qui l’a abordé dans la rue sous un prétexte quelconque. Il n’est même pas obligé de rester poli, rien ne lui interdit de couper là à la discussion: — Désolé, mais il faut absolument que j’y aille. — Si vous le permettez je vous accompagne jusqu’à votre hôtel… — Inutile, ne vous dérangez pas, je connais le chemin, c’est assez près d’ici. — Ça ne m’ennuie pas du tout, au contraire, je suis très flatté d’avoir pu faire votre connaissance et du temps que vous m’avez consacré, je serais ravi de discuter encore un petit peu avec vous. — Comme vous voulez.

Peter Peterson est soudain soupçonneux : pourquoi ce petit homme, apparemment insignifiant, auquel il n’aurait jamais accordé le moindre regard dans n’importe quelle rue s’accroche-t-il ainsi à lui. Il n’est pas né du dernier cyclone, a pas mal bourlingué, vu du monde, appris à connaître la psychologie humaine… Cet homme n’est pas net, il cache quelque chose, il veut quelque chose. Ils sortent du palais d’été, traversent la foule de touristes qui se presse à la porte. Peter accélère le pas. L’homme accélère le pas. Peter ne parvient pas à s’en débarrasser. Il se demande s’il ne devrait pas courir, mais non, ce serait stupide. Stupide et ridicule. Cet homme ne peut en aucun cas représenter une menace et puis… quel genre de menace ? Pourquoi voudrait-on le menacer, il ne représente rien, n’a aucune valeur officielle. Il s’occupe de poésie. C’est tout. Il n’y a pas là de quoi fouetter un chat.

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