Yvré et le garde-champêtre s'attendrissent sur leur passé
Yvré médite sur son entretien avec le
garde-champêtre suite à la réunion publique : ils ont convenu, tous deux,
que l’agitation de ces jeunes gens — bien que par certains côtés sympathique
car elle leur rappelait leur jeunesse et les frasques inhérentes (le
garde-champêtre avouait, par exemple, avoir péché des écrevisses avec, comme
appât le chat de la Mère Michel. De même, dans la foulée des confidences, Yvré
s’était longuement attendri sur l’époque heureuse où il capturait des vipères
vivantes — symbole sexuel s’il en est — pour les abandonner ensuite dans les
caves des vieilles filles de Chartres); c’était le bon temps, des larmes
de joie leur venaient aux yeux, aidée par les rasades de muscadet
successivement offertes par divers bons citoyens de la commune). — Oui, mais de
mon temps, on respectait les vieux, et comment… Mon père n’aurait pas supporté
la moindre incartade. — Le mien non plus. Bien sûr. Rigolait pas mon père, ah,
fallait voir quand il se fâchait comment ça valsait dans la maison. Un jour, j’étais
môme, j’ai, sans le faire exprès, cassé deux verres, un après l’autre. S’est
énervé, on aurait dit un fou, il m’a donné une raclée monstre puis il m’a
enfermé dans la cave. Trois heures. A la cave, dans le noir absolu… D’accord, l’avait
oublié le tonneau. Ça été ma première cuite, même que j’ai oublié de refermer
le robinet et que quand maman est venue me chercher, je dormais dans la
vinasse. Heureusement mon père était parti au boulot, sans ça, je crois qu’il m’aurait
tué…
Bref, entre Yvré et le garde-champêtre
quelque chose comme l’amitié s’était installé. Ils en ont conclu que l’agitation
de ces jeunes gens ne manque pas d’être inquiétante, qu’elle laisse planer des
menaces sur la paix du village, donc sur la prospérité des affaires et donc sur
les perspectives d’expansion que laissait entrevoir leur toute récente
alliance.