Sur les Issarts, 8 heures 21

La rigueur est ici la seule morale. C'est par l'observation de son passé que Bréauté est parvenu à savoir qui il est mais parfois le vide presque absolu de ce paysage qu'il aime l'effraie et ce monde est rempli d'irrégularités, de modifications aléatoires… L'horizon à la fois est proche et lointain. Il rêve que ces lieux soient insensibles au temps, aux passages des hommes, ignorent tout de leurs folies.

Les mots s'entrechoquent dans sa tête, il est repris par ses rêves, pourra-t-il jamais acquérir la sérénité?… Si tout cela ne signifiait rien? Il cherche ses raisons de vivre, il s'est maintes fois réveillé de son sommeil. Il imagine que son itinéraire commence où la piste s'efface. Dans l'immobilité approfondie ne bougent que de vagues touffes d'herbes. Il parcourt l'immobilité, aspire à l'éternité mais préfère encore son temps. Il ne sait comment se comporter. Le plateau est figé dans l'attente. Le temps a  son poids d'éternité.

Bréautél se souvient son village. La nature humaine le fait sourire. Trop de mots. Devant lui la roche s'arrête brusquement, tombe à pic, des sapins contorsionnés s'accrochent au bord… Peut-être rêve-t-il à un autre monde… Bréauté sourit calmement, s'émerveille, marche.… Ici tout s'enfonce dans la clarté. Le paysage est en arrêt pour l'éternité. Le vent joue dans les branches la danse aérienne et grèle de la chèvre d'Arthur Honegger. A quelques heures de marche, les vallées sont profondes et fertiles. Il réfléchit qu'il affectionne ces paysages vides où il ne se trouve que face à lui-même. "Comme tout est incroyablement calme!" Autour de lui, le paysage est désolé: pas de végétation, mais des pierres, des pierres… Le sentier sinue à l'ombre entre deux pentes; de petits buissons le bordent. La nature, qui a choisi mollesse et douceur, sait parfois devenir rages et ruptures.