Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Écrits de Marc Hodges
Écrits de Marc Hodges
Visiteurs
Depuis la création 98 777
Archives
11 novembre 2008

Dans le vallon de Mativet, 17 heures 35

Bréauté aime ceux qui ne veulent pas se conserver. Les instincts de l'humanité future sont déjà là qui demandent à être satisfaits. L'horizon à la fois est proche et lointain. "Comme tout ici est incroyablement calme!" Son oreille se tend dans le silence sur un vide en lui qui n'a, soudain, aucun écho. L'herbe est courte et jaune comme du poil de bête et les buissons pareils à des pelotes de fil de fer. Tous ses souvenirs sont pris dans les ronces grisâtres de son cerveau, le calme est si pur qu'il entend avec beaucoup d'éclat des bruits lointains: branche qui craque, aboiement de chien, clochette de mouton; il est là et ce n'est l'affaire de personne de se préoccuper de sa présence. Tous cherchent à travers l'apparence, quelque chose de solide, capable de résister à l'effritement: il se souvient fort bien de tout ce qui s'est passé. La nature humaine le fait sourire. Des ombres planent dans sa mémoire et s'abattent sur sa vie aussi vite que des oiseaux de proie. Il entend résonner en lui une langue qu'il ne parle pas. L'extrême pauvreté de ce monde lui est une jouissance égoïste, il lui faut tenir bon; il rit, respire, s'arrête, désire l'assurance de demain… Il suffit qu'une voix vienne pour que tout le reste soit oublié. Les heures indifférentes s'empilent les unes sur les autres. Il y a quelque chose qui continue de tournoyer quelque part au-dessus de lui, rien qu'un étonnement, un sentiment de nulle appartenance, une solitude pénétrante, une question lancinante qui insiste: "Qui suis-je ?" Bréauté a envie de répondre à ses questions, pas à celle des autres. Il est là et cette pensée l'emplit de contentement. Le soleil paraît sans mouvement. Toujours ses pensées vont à leur rencontre. Dans sa mémoire des voix enfantines s'appellent. Bréauté aspire à l'éternité mais préfère encore son temps: il pourrait quitter tout cela, ne s'y résigne pas. Comment supporter la vie sans espoir? Le causse lui semble l'âme impudique du monde. La vie passe… La tête lui tourne, pourtant il se sent plein de force et d'assurance. Rien ne parle, ni le vent, ni les arbres, ni la terre. La joie vient, elle s'en va. Que faire?… L'odeur de la terre entre en lui jusqu'au profond du corps, jusqu'à cette ombre où dorment les grandes terreurs de l'homme. A l'orée des vallons l'air hésite. Bréauté aspire à son enfance.

Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Publicité