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Écrits de Marc Hodges
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20 août 2008

l'inconnue à l'expresso

Il faisait beau. Il fait toujours —presque — beau dans cette contrée. Le ciel était bleu juste comme il faut, entre bleu-drapeau-français et bleu-lavande (sans le parfum). Pas de vent, ce qui est surprenant dans cette contrée. Le soleil. Il y avait bien sûr du soleil et juste quelques minuscules voiles de nuages perdus à l’est juste pour mettre en valeur la luminosité évidente du ciel, la suprématie absolu-naturelle du soleil. La journée s’annonçait belle. Belle mais normale. Il n’y avait rien ni à signaler ni à attendre sur le plan de la météo. Dès huit heures du matin on était fixé, il allait faire beau et — presque chaud. Déjà les avions traversaient l’espace de leurs grondements incessants laissant parfois derrière eux comme une traînée nuageuse qui, s’élargissant rapidement, disparaissait aussi vite. Rien à dire donc.  Ombres et lumières prenaient leur rôle en main et découpaient l’espace en zones franches. Wilfrid sort en savates de sa caravane, fait, sans grande conviction, les trois ou quatre flexions d’étirement qui réveillent son corps encore endormi et grinçant des boissons de la veille. La journée commence. Sans buts, comme d’habitude. Malgré sa haine du travail, il en arrive à se dire que travailler — un peu, un petit peu — lui donnerait au moins quelques illusions de raison de vivre, mais cette idée ne fait que l’effleurer, sans conséquence pratique. Il regarde le ciel, protège de sa main droite, ses yeux du soleil, descend les quatre marches qui séparent son habitation du reste du monde, sort du camping. Comme tous les jours il va au bistro du coin. Comme tous les jours, le vieux Paulo est assis devant la porte, au soleil, casquette à la main dans l’attente des quelques centimes que l’un ou l’autre des usagers pourra, peut-être, lui abandonner. Il n’attend rien de Wilfrid. Il sait tout de Wilfrid. Wilfrid sait tout de Paulo, de leurs galères, de leurs vies petites, étriquées. Aussi ils n’ont rien à se dire, ils ne se disent rien, ou presque : — Salut Paulo, ça va, le fric rentre ? — Bof… la routine. Et toi, ça va ? — On fait aller. — Comme tu dis, on fait aller. Tu paies un café ? — Ben, euh… — Compris, ce sera pour une autre fois… Wilfrid rentre dans le café. La journée commence vraiment. Ce sera café arrosé, comme d’habitude, le patron, rondouillard, ma rasé, très brun, assez sale faut dire, a anticipé la commande qui attend sur le comptoir. La routine, la routine de la routine. Wilfrid regarde, il y a les habitués : Edmond, Canelle, Ange, Martin… et, surprise, une jeune inconnue que tout le monde regarde sans en avoir l’air. Assise à une table ensoleillée près de la vitrine, elle a commandé un «expresso» (curieuse dénomination pour le café-chicorée d’Antoine) et lit le journal local, page des petites annonces.

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