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Écrits de Marc Hodges
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12 juillet 2015

Antoine et Wilfrid dénotent les clients

Bien entendu, une histoire pareille, ça ne peut pas vraiment bien finir. Bien sûr, c’est pas l’argent qui manque, celui de La Beude même ayant mijoté des jours et des ans dans sa lessiveuse, sous son matelas ou dans n’importe quelle autre cachette, malgré son odeur et son aspect froissé vaut autant que n’importe quel autre et Wilfrid n’a pas l’intention de se tirer en douce avec Antoine. difficile d’ailleurs car le loufiat, craignant une entourloupe, les surveille avec soin. Non, ce qui cloche, c’est la culture, les conventions, les habitudes du lieu. Antoine et Wilfrid dénotent, dérangent, les clients, tout en feignant de ne pas s’en occuper les regardent à la dérobée et ça chuchote autour des tables. Wilfrid fait de grands signes au maître d’hôtel occupé à une autre table, s’impatiente, tape sur la carafe d’eau avec son couteau. Dans ces lieux, faut pas faire d’esclandre, le maître d’hôtel s’excuse auprès de ceux dont il prenait la commande, s’approche. — Ben dis donc, faut pas avoir la dalle chez toi, dit Wilfrid, on voudrait bouffer, on a faim. — Excusez-moi mais vous n’êtes pas mes seuls clients… ose l’homme au costulme et nœud papillon noir crispant son carnet pour se retenir de réagir plus violemment… et j’aimerais que vous ne les dérangiez pas davantage. — On dérange ? s’énerve Antoine, ah ! On dérange, fallait le dire tout de suite, en quoi je dérange ? Faut avoir fait des études pour venir bouffer chez toi, faut être né dans un castel breton ? On a du fric, on veut manger, on paie, t’as rien à dire… — Je vous en prie, messieurs, nous allons vous servir mais il faut respecter la tranquillité de notre restaurant, nos clients sont habitués à manger dans le calme. — Ça va, ça va dit Wilfrid à Antoine, on bouffe et on se tire, toi tu nous sers ce qu’y a de meilleur… et fissa, on crève de soif et de faim. — Le vin arrive tout de suite dit la maître d’hôtel qui fait un signe au sommelier. — On veut pas de la piquette, mais du bon… — un chassagne-montrachet ordonne l’hôtelier au sommelier. — Tu nous prend pour des fiautes, une bouteille, ça va pas, mets en deux pour commencer. Devant l’étonnement du sommelier, le maître d’hôtel lui fait un discret signe de tête et celui-ci s’en va, puis il ajoute : — je vous propose en entrée deux salades de ris de veau aux cèpes frais, une spécialité de la maison, et comme plat un pigeon rôti aux fèves et pois gourmands, et pour le dessert… — On verra l’interrompt Wilfrid, faut d’abord voir si c’est bon et si on a assez à bouffer, nous ne sommes pas trop sucreries, nous ne sommes pas des mômes, on verra… Le sommelier arrive avec ses deux bouteilles, pose l’une sur la desserte, montre l’étiquette de l’autre à Wilfrid : — on s’en fout des étiquettes si c’est du bon, dépêche-toi, mon pote et moi nous avons soif et ça urge, débouche cux flacons et mets-les sur la table. Le sommelier débouche une bouteille, en sert un fond de verre à Wilfrid : — Tu te fous de ma gueule, rugit celui-ci ? — Monsieur veut goûter ? — On veut pas goûter, on veut picoler, tu poses ça là et on va se démerder comme des grands, pas besoin de toi pour remplir nos verres. Le sommelier, raide, visage fermé, s’exécute, pose ostensiblement les bouteilles sur la table. — Ok, puis tu dis aux autres qu’on a faim, faudrait pas nous faire attendre des heures, remarque Wilfrid. — Bien, messieurs, je vais leur demander de faire le plus vite possible. — Ok. Wilfrid sert Antoine, ils choquent leur verre : — santé — santé et boivent d’un coup leur premier verre. — Pas mal dit Antoine qui ressert aussitôt un autre verre.

 

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