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Écrits de Marc Hodges
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22 septembre 2013

Discrétion et menu

Ça chuchote dans la salle, un bruissement aussi discret que le son d’une aile de papillon de nuit, mais ça chuchote, une femme ronde et rougeaude a fait signe à un des garçons qui lui tend l’oreille, jette un regard discret vers la table de Wilfrid et Antoine, hausse discrètement les épaules, la grosse femme remet le nez dans son assiette tout en parlant avec une véhémence discrète à son gras mari en costume trois pièces gris souris qui se retourne discrètement ; dans un autre endroit de la salle, un homme, jeune, élégant, assis en face d’une femme jeune, élégante, robe d’été rose pourpre discrètement transparente, regarde Wilfrid avec insistance et sourit, comme s’il voulait manifester une certaine solidarité discrète. Wilfrid ne voit rien de tout ça, il a invité Antoine à manger, le restaurant était le plus proche, donc ils sont rentrés dans ce restaurant. Normal… C’est tout… Wilfrid considère toujours normal tout ce qu’il fait spontanément, la vie n’est pas si longue, pourquoi se la compliquer. Il fait signe à un garçon, celui-ci ne semble pas comprendre, continue à servir avec onctuosité la table qui lui a échu ; Wilfrid appelle, fort : « garçon ! », toutes les têtes se retournent discrètement dans un beau mouvement d’ensemble, tous les regards convergent vers la table. Antoine et Wilfrid ne les voient pas. Wilfrid encore : « garçon ! »… Le maître d’hôtel vient vers eux, raide dans son petit gilet noir et son grand tablier blanc qui lui fait comme une jupe, visage sévère, bouche serrée, il porte les menus, les tend aux deux clients. Antoine : « Chais pas lire… » Wilfrid : « T’inquiètes… je vais te dire… » au maître d’hôtel : « On a soif, on a toujours pas nos bouteilles ». Le maître d’hôtel : « Je vous les fait porter tout de suite… » il fait signe à un garçon, qui s’approche : « Ces messieurs attendent leurs bouteilles », le garçon : « je les apporte tout de suite… » Il s’en va ; le maître d’hôtel s’éloigne avec discrétion. Tout dans cette salle est discrétion, discrétion parfaite, mouvements feutrés et pas une mouche qui vole, manquerait plus que ça. Wilfrid ouvre le menu, il lit à voix haute : « Menu 40 €, entrée, plat ou plat, dessert, entrées… » « C’est quoi une entrée, l’interrompt Antoine ? » « C’est ce qu’on bouffe d’abord… » « Bon, alors ? », Wilfrid reprend : « entrée, salade de coquilles Saint-Jacques au céleri frit, salade de ris de veau aux cèpes frais, salade de foie de veau au blanc de poireau, salade de homard aux pêches… » Antoine : « Pourrai pas bouffer tout ça ! » Wilfrid : « Non, faut choisir, tu prends l’un ou l’autre… » Antoine : « Chais pas, jamais mangé ça, qu’est-ce qu’est le meilleur ? » Wilfrid : « Chais pas, on va demander… il continue, plat : turbotin aux raisins et du thé, émincé d’agneau à la crème d’aïl, filet de bœuf ficelle, pigeon rôti aux fèves et pois gourmands… » « J’y comprends rien dit Antoine, jamais entendu parler de trucs pareils… » « T’inquiète dit Antoine, j’appelle le loufiat. » Il fait signe au maître d’hôtel.

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