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Écrits de Marc Hodges
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14 juillet 2008

Chambastio, 20 heures 02

Bréauté marche depuis des heures et des heures, des jours et des jours, sous ses pas le monde entier des formes s'use et se renouvelle: "la beauté est la forme que l'amour donne aux choses." Il a perdu l'habitude de contempler ce monde, perdu la mesure de sa grandeur… Il chante, il marche, il se souvient. Il veut créer un monde devant lequel s'agenouiller. Il est parti sans avoir eu le temps de dire adieu à personne. Insensiblement l'air s'obscurcit, de petits nuages passent dans le ciel, un parfum d'herbes trop sèches traverse la pâleur du jour. Voir, revoir…  Tout fait événement pour qui sait regarder. Il ne sait plus très bien où il va. Ocre-jaune sur vert-bleu… Certains pourtant survivent. Bréauté est incapable de dire ce qui du souvenir ou du présent l'emporte, il se voudrait nettoyé de tout souvenir humain. Il y a une antiquité vénérable dans les regards des hommes: il faut passer lorsqu'on ne peut plus aimer. Trop de mots déposés entre lui et les choses.

Dans son rêve, le temps devient futur. Il cherche à travers l'apparence, quelque chose de solide, capable de résister à l'effritement, il presse l'allure, aperçoit vers l'est la tache sombre d'une forêt, écoute le vent. Tout est à la mesure de l'instant. Il aimerait que la vie à la campagne, par sa monotonie, rende heureux, il a confiance, se sent bien, rêve que tout pourrait encore changer, refuse d'enjoliver la sévérité du réel, mettre trop de bleu sur les ailes des corbeaux, teindre de miel la rugosité quelconque des pierres, souffre de toutes les choses et, souffrant d'elles, en jouit.

De minuscules champs sont soigneusement sertis dans le moindre creux des collines. Rien n'est fait pour attirer. Bréauté semble pourtant tranquille, s'ouvre goulûment à ce calme qui le nourrit, n'espère plus l'ailleurs. Le ciel dévore l'herbe maigre. "Conservez-moi cette terre, juste ce qu'il faut pour que j'en jouisse en solitaire". Ses mots doivent servir à confirmer les choses, marquer la possession.

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