La serre des Countrats

La Serre des Countrats, un sale coin, sinistre, nu, froid, noir, forêts de pins à perte de vue. Cadre parfait pour une mort comme celle-là.

L’an passé nous y avons fait une excursion, entre copains, nous avons passé une nuit sous la tente, au pied du Roc de l’église. Nous ne devions pas être très loin du lieu du crime, ça nous a fait une drôle d’impression… Notez que nous n’étions pas obligés de venir là, non… Mais ça nous plaisait quand même bien, une curieuse impression d’attirance et, à la fois, de crainte, peut-être d’ailleurs une attirance pour la crainte, la peur même. Je dois reconnaître en effet que cette situation me causait une jouissance certaine et que ma nuit en a été en partie occupée. Du moins après que Grandou et Matabiau se sont endormis. Je n’ai pas osé les provoquer, je ne sais pas vraiment où ils en sont. Ce n’est pas comme avec Vigouroux avec qui je peux partager mes plaisirs sans restriction… Je le déplore souvent d’ailleurs, nos sorties de routiers n’en seraient que plus agréables. Passons, on peut pas toujours tout avoir.

Bref laissons les sentiments personnels, on n’a jamais su pourquoi ce mort était mort. Comment oui, pour quoi non… On a parlé de rôdeurs mais, bon, les rôdeurs c’est un peu comme le Christ, on le sort quand c’est utile… Il paraît qu’on avait aussi parlé de rôdeurs, il y a une centaine d’années, quand on a retrouvé le curé de Saint-Julien-du-Tournel éventré dans la vallée du ruisseau qui coule sous le Felgeas. Les rôdeurs, c’est la grande peur, le danger toujours présent dans un pays sauvage, l’étranger, l’autre… Le pays s’y prête avec ses forêts touffues, épaisses et ses vallées profondes, obscures… Comment retrouver un rôdeur là-dedans ? Je marche dans la forêt, je sors de la forêt, j’éventre un homme, un curé ou un autre, pour rien, pour m’amuser, pour voir ce que ça fait, je repars dans la forêt, je disparais, rien de plus facile… On devrait raser toutes les forêts. Il y aurait moins de crimes.