Au bord de l'aven du Plo del morts, 15 heures 33

Tout meurt, tout refleurit, le cycle de l'existence se poursuit éternellement. Pauvreté invincible. L'herbe est rare et cassante. Buissons, Bréauté respire. Il se souvient son village. "C'est toujours compliqué et délicat de faire revenir les morts, de souhaiter leur retour…" Un vieux chien noir-blanc le suit comme une ombre,  son halètement rythme seulle temps. L'horizon merveilleux équilibre l'espace sur l'espace. Bréauté reconnaît tout, se souvient de tout, sourit à tout avec une sorte d'affection lointaine. Les vagues tâches colorées des champs d'herbes jaunâtres, celles des ombres, les moirures des moisissures sur les pierres, lui semblent porter les filigranes de visages familiers. "Soyez les auxiliaires de mes plaisirs égoïstes !" C'est maintenant qu'il est chez lui, toujours ses pensées vont à sa rencontre. Il guette le ciel, l'horizon, accuse l'espace, respire, s'arrête, observe, songe, songe et chantonne, ramasse quelques brindilles. Bréauté considère la pensée comme la zone neutre de l'âme, pense n'avoir jamais été empli de mouvements plus doux. Herbes: il sent. Un nuage d'images floues tourbillonne dans sa tête. Le monde le possède et c'est ce qui l'éprouve. Rien, l'agitation en lui-même, les minutes, les secondes, le vent. Il n'a jamais su trouver un sens précis à sa vie, erre d'une passion à l'autre, s'égare dans le fouillis de désirs temporaires: il avance, attend les jours de brouillard sur les jeunes souches, s'arrête pour regarder. De tous les points de l'horizon, des voix autrefois connues semblent l'appeler, la poussée de ses ancêtres soulève son esprit. Il n'avait jamais pensé que son existence pourrait ainsi s'emplir de rêves. Le spectacle ici évite les transformation. Il s'agit de tout vivre car il va falloir quitter tout cela. Le paysage est en arrêt pour l'éternité, ni avant ni après. Certaines choses lui sont plus nécessaires que d'autres… Toute la lignée de ses ancêtres s'agite en lui, insiste pour venir au jour, résiste à l'oubli de cette terre… La plupart des événements sont indicibles. Il voudrait que la folie soit sa seule sagesse.

Bréauté se demande si le pessimisme existe vraiment: tout ici se fait dans le calme et le temps éternel. Il écoute le vent.

Un homme est assis au bord de la route. Bréauté se sent isolé des autres, tout comme eux-mêmes sont isolés entre eux. Il se force à se redresser, respire profondément… Sans rêves, que pourrait-il comprendre du monde, se dit que rien ne vaut vraiment la peine. L'appel du silence est le seul qui mérite d'être écouté. Il rêve de nouvelles envies de vivre. Le calme est absolu; la sérénité étale. Il voit calmement, s'étonne, observe.… Bréauté aime l'idée d'avoir pour lui seul tant d'espace.