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Écrits de Marc Hodges
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4 janvier 2008

Les lois du commerce

Tous les forains habituels avaient monté leur étalage : marchands de lacets, de couleurs, de savons, de poissons, de vins, de cerises, de cidres, de cafés, de papiers, de cordes, de bois, d’objets pieux, de sables, d’oignons, d’abats, de soupes, d’eaux bénites, d’illusions, de rêves, de moutardes, de chemises… chacun vêtu de l’uniforme aux couleurs vives symbolisant sa corporation. L’ensemble formait une foule bruyante, brillante, colorée, gueularde, animée où, par masses noires, agitant leurs coiffes et leurs dentelles, se mouvaient les vieilles femmes semblables à des vols inquiétants de corbeaux sur l’or pâle des champs de blé.

Yvré, seul, ne portait pas d’uniforme distinctif. Il avait pourtant, conformément aux règlements en vigueur, déposé sa demande d’inscription à la mairie en 29 exemplaires sur papier recyclé timbré (un pour le maire, un autre en cas de perte du premier, le troisième pour les archives, le quatrième pour la préfecture, puis la région, le ministère, la Présidence de la République, le commissaire européen en charge du commerce, la commission européenne des marchés, le parlement européen… les autres pour la caisse d’étrennes des divers personnels subalternes qui les revendaient au poids aux chiffonniers alimentant ainsi le nécessaire recyclage industriel) mais sa profession étant jusqu’alors restée clandestine, le Ministère des Industries Industrieuses n’avait pas pu encore décider quel devait être son vêtement distinctif, ni quelles en seraient les couleurs dominantes même si des bruits couraient quant à l’adoption d’une longue robe ample à quatre quartiers d’azur semée en quart de coquilles de gueule, en second d’un champ de blé, croisé d’étoiles sur champ de sable. Cependant il se pouvait aussi qu’on lui attribuât une chemise bouffante de gueule semée d’ivraie, portée sur un collant de jais… ou bien d’autres caractéristiques encore l’imagination des dessinateurs de costumes d’industries n’étant jamais prise de court. Malgré cela, à sa demande, il avait dûment été autorisé à tenir commerce sur la voie publique, payer TVA, patente, impôt, côte mobilière, vignette, droit de garde, droit de place, taxe municipale et droits divers et changeants — tous privilèges qui s’acquéraient au prix fort. En vertu de quoi, il avait, devant l’église (place allouée par le garde-champêtre), planté une tente devant laquelle se trouvait un écriteau.

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