Wilfrid se retire parfois du monde

Wilfrid reste parfois prostré des journées entières roulé dans de vieilles couvertures sales comme un petit enfant avec son « doudou », sa « miche » ou autre objet transactionnel, hésitant entre vivre, se laisser vivre, se laisser mourir ou mourir dans un état psychologique ambiguë où cette situation de non-être lui procurait un certain plaisir. Il lui fallait alors une quantité invraisemblable de couverture, car il s’enfermait dans leur cocon où ne devait pénétrer aucune odeur extérieure. Le monde se réduisait à cet espace minuscule dans lequel il s’enroulait — dans un état de vacuité intellectuelle absolue — comme une larve attendant on ne savait quelle métamorphose. Il restait là confit dans ses odeurs, plein de vide et d’absence, ignorant soudain la réalité des mondes extérieurs possibles. Il n’en sortait que lorsque l’étincelle d’un détail saugrenu venait, sans raison apparente, rallumer son cerveau. Ce pouvait être la vision soudaine d’un visage qui lui avait, un jour, paru ridicule, la mémoire d’une addition erronée faite en sa faveur, la vision d’un paysage dérisoire, une décharge urbaine ou un canal nauséabond par exemple… Il éprouvait alors à nouveau comme une envie du monde et se décidait à percer sa coquille pour retourner au jour.

Le quartier de Wilfrid qui entoure le camping :

une zone industrielle au nord séparée du camping par une gare désaffectée et un pâté de maisons en démolition au centre desquelles un ancien jardin municipal sert de camping. A l’est une autoroute, à l’ouest une zone d’immeubles de bureaux récemment construits et sans âme dont plusieurs tours en construction et un petit café installé dans un pavillon promis à démolition (mais les choses traînent). Au sud, des jardins ouvriers qui donnent sur un terrain vague servant essentiellement de décharge sauvage.