Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Écrits de Marc Hodges
Écrits de Marc Hodges
Visiteurs
Depuis la création 98 781
Archives
11 octobre 2007

En allant vers la ferme de Deïdou, 18 h 45

Seule note moderne dans le spectacle, un paysan au loin s'affaire sur son tracteur : le temps passe et s'arrête et passe et l'histoire s'arrête. Une grosse pomme de pin est tombée sur le chemin. Bréauté ne peut vivre qu'en plein vent. Il s'ouvre goulûment à ce silence qui le nourrit. Insensiblement l'air s'obscurcit. Le chemin de sa mémoire est tortueux. La nature, qui a choisi mollesse et douceur, sait parfois devenir rages et ruptures. Le ciel dévore l'herbe maigre. Il désire ces lieux muets, fermés sur eux-mêmes. Parfois le calcaire affleure en plaques tranchantes, polies, douces et pâles comme des os. Taches. Seules les mouches l'accompagnent sans crainte. Les toits ne sont que des éboulis rocheux parmi les autres. Il aimerait que la vie à la campagne, par sa monotonie, rende heureux.

Insensiblement l'air s'obscurcit, l'herbe est rare et cassante. Posés ça et là comme des pièces d'échiquier, des pins minuscules creusent l'espace. Jaune, jaune, ocre, étalés, étirés sur de larges bandes. A l'orée d'un bois, une ferme. Il se veut ici totalement chez lui, ne peut pourtant chasser de son esprit une vague crainte. De minuscules champs sont soigneusement sertis dans le moindre creux des collines. Dans les sons infimes, presque imperceptibles du monde, il reconnaît la présence obsédante de voix déjà perçues. L'avenir est une condition du présent autant que le passé. L'air est frais et léger comme une eau fine. Une horloge sans fin sonne en sa tête. Bréauté parle d'un monde totalement ouvert : les rouges, ceux profonds et gras de la terre ouverte, ceux allègres et violents des fruits d'automne, éveillent de loin en loin la peur dont toute cette paix est faite. Le sentier sinue, à l'ombre, entre deux pentes ; des buissons de noisetiers, des sapins, le bordent. Il sait orties, chardons, airelles, églantines, prunelles, ces âmes épineuses des causses. Le soir. Deux bourdons s'affairent sur des fleurs de trèfle. Il n'a plus de comptes à rendre à personne. Il songe à tout ce temps gaspillé à dompter la mort…

Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Publicité