Passé amoureux
Petit restaurant tranquille, atmosphère familiale, dessus de table à carreaux rouges et blancs, bruits de verre, brouhaha familier…
— Jonathan m’inquiète un peu remarque Constantin remplissant de Rénié le verre d’Émilie, je l’ai rencontré avant-hier chez Blandine, il m’a paru tout à fait lointain, distant, distrait, rêveur peut-être… ce n’est pas son genre
— Il est amoureux…
— Notre fils amoureux ?
— A vingt-huit ans tu trouves que ce n’est pas normal ?
— Tu as raison, à son âge je vous avais déjà épousé Sophie et toi…
— Moi d’abord… sourit Émilie, moi d’abord…
— C’est vrai, tu n’aurais pas dû t’amouracher d’Edmond puis me quitter…
— Tu regrettes ?
— Je ne regrette rien… jamais ; jamais je n’ai eu à regretter quoi que ce soit d’autant que Sophie a aussi été une période délicieuse de ma vie… j’ai aimé mes femmes, toutes mes femmes : et même si toutes m’ont quitté je ne regrette rien… D’ailleurs je continue à vous aimer… d’une autre façon.
Le garçon zigzague entre les sièges, dépose sur leur table un plat de tomates mozarelle. Constantin sert Émilie: un temps…
— Tu sais de qui il est amoureux ?
— Je crois… c’est ça le problème…
— Pas de problèmes quand on est amoureux…
— Toujours aussi naïf et idéaliste… La vie est bien plus triviale que tu ne te plais à l’imaginer: je crois qu’il aime Marion.
— Marion ?…
— Oui Marion, la fille de Diane, ta cinquième épouse, et de Wolf ton partenaire de tennis préféré, la demi-sœur de Germain, ton fils…
Regards dubitatifs, sourire, Constantin, l’air absorbé, manipule son couteau.