Malleus Maleficorum
Soulevant les papiers qui parsemaient le sol de cet étrange terrier, Wilfrid découvrit un matelas pneumatique.
Bien qu’intrigué et surpris par cet environnement, une curieuse sensation de bien-être, de confort, l’envahissait peu à peu. Pris dans la masse des documents, il se sentait rassuré, se sentait rajeunir même, protégé par des forces supérieures et mystérieuses. Confusément, il avait l’impression que rien de mal ne pouvait lui arriver tant qu’il demeurerait là, fœtus indestructible au sein d’un monde maternel.
Il décida de prendre son temps. Plutôt que d’attendre l’improbable passage d’un promeneur sous la pluie battante, il attendrait à l’abri le propriétaire de la tente qui ne tarderait certainement pas à venir. Ménageant la douleur à sa cheville, il s’installa le plus confortablement possible, tête opposée à l’ouverture.
Dans la demi-pénombre, il commença alors à parcourir des yeux les ouvrages les plus proches de lui: c’est ainsi que sur le dos raccorni d’un épais in-tertio, il put lire ce titre, autrefois gravé à l’or le plus fin mais cependant devenu (avec le temps) bien terne; «Malleus maleficorum». Wilfrid avait fait du latin dans sa petite enfance mais sa nurse étant morte prématurément, il avait dû abandonner cette langue très tôt. Aussi ne comprit-il pas la signification de cet intitulé; pas moins d’ailleurs que ceux des ouvrages environnants: «Dœemonolgia, Speculum Inquisitionis Bisuntinæ, Cum acceperimus, Summis Desiderantes, Aullularia, etc.». Il en déduisit qu’il devait être sous la tente de quelque grand savant venu travailler en Bretagne.