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Écrits de Marc Hodges
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13 novembre 2006

Quelque part, 17 heures.

Bréauté connaît le bonheur d'être celui qui guette, il y a dans la nature des lieux où même les serpents se sentent seuls, lui cherche dans la solitude le chemin qui mène à lui-même. Le ciel pèse comme un édredon de plumes. Devant lui, des brebis tondent l'herbe courte du plateau. Que ce soit trop plein de soleil, pluie ou brouillard, l'espace se dilue dans l'espace. La joie vient, elle s'en va. Que faire ?… Ses souvenirs le font avancer; ses rêves le transportent plus loin encore. Il y a une antiquité vénérable dans les gestes des hommes : le temps ici a son poids d'éternité. Dans sa tête, les mots s'amoncellent en tas de pierres irrégulières et brutes ; il y a de l'amertume dans le vin du meilleur amour. Il imagine qu'il affectionne ces paysages vides où il ne se trouve que face à lui-même, aime ceux qui ne veulent pas se conserver. C'est par l'observation de son passé qu'il est parvenu à savoir qui il est. Les pierres ne connaissent de traces que celles qui vont vers son passé.

Bréauté se sent isolé des autres, tout comme eux-mêmes sont isolés entre eux. L'herbe est fourmillante de soupirs. Son oreille se tend dans le silence sur un vide en lui qui n'a, soudain, aucun écho. Il y a là quelque chose qu'il doit pouvoir comprendre. Peu de chemins mais une mousse élastique d'herbe qui permet d'aller partout. Il prend ses distances. C'est la solitude. Il attend avec inquiétude la froideur des nuits. Il rêve les vies grevées de frayeur, les désespoirs si longtemps tus dont se fait cette nature égoïste. Aussi loin que le regard peut aller il n'y a rien que l'herbe grise plus dure que le jonc. Il a le désir de voir arriver quelque chose. Tout est désert. Jusqu'aux limites de l'horizon, les terres s'étendent ocres et chaudes…

Plus loin l'ombre de son grand-père, laguiole à la main, se penche vers la terre, cueille des oreillettes dans l'herbe presque rase. Il se demande si le pays qu'il observe est le pays réel ou une projection de son imaginaire. Le silence lui est une grande force. Il se demande si le pessimisme existe vraiment, se souvient de ces tendelles qu'avec délectation il dissimulait sous les genévriers, se sent de connivence avec ce paysage tendant au dépouillement absolu… fin et commencement. Sa vie est partagée en deux : celle d'avant liée aux souvenirs et à la nostalgie ; celle de maintenant, attachée à l'action et l'avenir. Il se voudrait nettoyé de tout souvenir humain. Il le sait… Rien ne parle, ni le vent, ni les arbres, ni la terre, son oreille se tend dans le silence sur un vide en lui qui n'a, soudain, aucun écho. Il pense à tout ce temps gaspillé à dompter la mort, mène des rêves d'enfants qui ne demandent qu'à devenir actifs. Il se sent fort avec calme; il observe, se fige, juge de la mort par les beautés de la vie.

Les mots sont trop lourds… ou trop légers. Notes de guitare. Son avidité reste sans réponse. Bréauté hésite entre plusieurs solutions.

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