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Écrits de Marc Hodges
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31 octobre 2006

Histoire du garçon de café

Histoire du garçon de café

En 1959, je me suis suicidé au gaz… J’avais tout prévu… Ma chambre mesurait cinq mètres de long, deux mètre quatre vingt de large, trois mètres de hauteur, soit un volume d’environ quarante trois mètres cubes. Il n’y avait que trois ouvertures : porte, fenêtre, trou d’aération de la hotte au-dessus du réchaud. J’ai calfeutré porte et fenêtre d’un bourrelet de feutre réduisant les fuites au minimum. Une vieille chemise m’a servi à boucher le trou d’aération. J’ai ainsi calculé que le petit brûleur, ouvert, il faudrait environ deux heures pour que l’atmosphère de la pièce soit irrespirable. Je pouvais donc, comme d’habitude, lire un peu pour m’endormir. Généralement, je me couche à neuf heures, j’ai donc réglé la sonnerie de mon réveil sur onze heures et quart: il annoncerait aux voisins l’heure de ma mort — l’idée m’avait paru amusante: le bruit les éveillerait, les embêterait un moment… Cette pensée me réjouissait.

A l’époque j’en avais assez de vivre, je connaissais trop de monde, je travaillais comme livreur chez un épicier. Tous les habitants du quartier m’appelaient par mon prénom, Paul (je m’appelle Paul): «Bonjour Paul, ça va…» Oui, ça allait… «Bonsoir Paul, la journée est finie ?…» La journée était finie, du moins la journée officielle. Pas moyen d’avoir un moment à moi, de m’oublier dans la foule. Déprimant. Alors j’ai pris la décision de m’isoler: j’ai longuement préparé cette fête, acheté un costume neuf à la dernière mode — bleu marine à fines rayures noires, veste croisée sur un pantalon à larges revers. Trois ans que je n’avais pu m’en payer un, mais maintenant, plus besoin de faire des économies… Une chemise blanche neuve, une cravate bleue à petites fleurs jaunes… J’ai attendu la date de mon anniversaire, le 21 mars, un samedi, je me suis fait le plus beau cadeau de ma vie, «L’éloge de la folie» relié en maroquin.

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