Conversation dans un train

De toutes façons, Zabre n’avait jamais rencontré, dans aucune de ses lectures, un moment identique. Le silence se faisait de plus en plus opaque et encombrant… il rougit, fonça:

- Moi… moi je vais en Bretagne
- Je sais, vous me l’avez déjà dit.
- Ah… (moment de silence) pardon…
- Pas de quoi, je vous en prie.

Il lâcha les doigts de la jeune fille, prit son courage d’une poigne ferme, dit:

- Et vous ?
- Moi ?
- Oui, vous ?
- Sais pas…

La situation quoique intéressante était intenable d’autant que la fumée de la locomotive apporta une autre escarbille dans son œil gauche. Il se le frotta maladroitement. C’est alors qu’abandonnant le paysage, regardant Zabre, elle vit ses deux yeux rouges:

- Vous pleurez ! Oh, je suis vraiment désolée, je ne voulais pas vous faire de peine, vraiment ! Mais vous savez on rencontre de tout monde dans les trains. Maman  m’a recommandé de ne pas adresser la parole à des inconnus. Vous êtes un inconnu, n’est-ce pas ? Vous ne m’en voulez pas j’espère… c’est vrai, j’ignore où je vais, je voyage pour former ma jeunesse.

Rouvrant les yeux, Zabre pensa qu’elle était déjà bien formée mais n’en dit rien. Elle poursuivait: Comment pourrais-je me faire pardonner,

Zabre ne saura jamais quel esprit malin lui souffla une réponse immédiate: Venez avec moi…