Rentrer dans le format

Ludovic va tous les jours au Richer, rue du Fbg-Poissonnière, troquet le plus proche de chez lui. Onze heures, il boit, cool, son premier demi. Entre un mec, portant Libé en évidence sur le galbe de son ventre, une bien lisible: «L’union sucrée». L’homme semble chercher quelqu’un, regarde dans l’arrière salle. Revient. Il écoute tout, surveille tout. C'est un homme qui contrôle. Il s’assied à une longue table au fond, face à la porte, pose le journal sur sa table, demande un café.

Une femme entre, arbore de même le même journal, rejoint l’homme. Ils se saluent, commencent à bavarder. Voix basse. Une deuxième femme, puis un homme. Même journal, mêmes attitudes. Ils semblent en repérage pour un mauvais coup, comme s’il risquait d'y avoir remise d'argent ou comme lorsqu’on sait d'emblée qui est le coupable et qu’on cherche à savoir comment il s'y est pris… Ils finissent à quinze. Ces gens ne se connaissaient pas avant mais ils sont bien entre eux. Intrigué, Ludovic a comme l’impression qu’ils l’observent. Ils semblent attendre quelque chose… quelqu’un?

Du côté soleil de la rue, arrive Nathalie. Libé dans la main droite. Elle regarde le café, aperçoit — peut-être — Ludovic. Hésite. Pas le temps de faire un geste, qu’elle s’éloigne comme si elle ne l’avait pas vu… Ou comme s’il ne l’avait pas vue.

«Je suis traité comme personne n'est traité, je ne peux plus rien faire, je ne peux sortir nulle part».

Tout ça n'a aucune importance: Ludovic ne veut pas rentrer pas dans le format.