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Écrits de Marc Hodges
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14 avril 2015

Autour de lui tout est menace, avertissement, intimidation

Effondré sur sa chaise dure, coudes appuyés sur la table, tenant sa tête entre ses mains, il se laisse aller à un vague sommeil dont il émerge brusquement, estimant qu’il avait dû ne dormir que quelques minutes mais bénissant cette courte pause qui a libéré son crâne de la brume de fatigue qui l’encrassait. Ses chaussures devaient être confortables, légères, très solides car il savait qu’il devrait beaucoup marcher, ni trop chaudes ni trop fraîches, résistantes à l’humidité, éventuellement même à la boue ou à la neige, ne pas demander d’entretien car il était inimaginable d’emporter ce qu’il lui faudrait pour les entretenir. Le soir est exceptionnel — au-dessus de sa tête, une télé se promène dans une campagne qu’il ne saurait situer. Autour de lui tout est menace, avertissement, intimidation : ce regard qui pèse un instant sur lui, cette jeune femme qui, semblant prendre une photo d’une vitrine, capte certainement son image, cette caméra de vidéosurveillance à l’entrée d’un immeuble, cette adolescente qui parle dans son téléphone portable, les clients de ce bar crasseux où il n’ose entrer, ce policier qui semble surveiller un carrefour, ce chat… Marchant dans les rues, dans cette rue glauque où il est arrivé il ne sait trop comment, c’est sa peur qu’il voit dans les vitrines ou dans les flaques d’eau que la pluie a formées emplissant les nombreuses irrégularités de l’asphalte. Sur l’écran, un enfant pleure, une femme, jeune, très belle se précipite, prend l’enfant dans ses bras. Adam a donné la somme nécessaire, le semi-vieillard à la barbe de trois jours et une tache (de quoi ? Vin, graisse, sueur ?) sur sa chemise bleue délavée a décroché une clef sur le tableau, « la 23, deuxième étage »... S’asseoir enfin quelque part, contempler d'un regard neutre le brouhaha permanent, absurde pour qui n’y participe pas, de l'univers. Adam gagnait bien sa vie... Lui seul est concerné par la raison de sa fuite ; Adam ne trouve rien d’autre. Les vêtements — Adam boit son verre d’eau, son café, puis se dit qu’il pourrait rester là des heures tant sa présence y a peu d’importance, se dit qu’il pourrait même y mourir et que ça ne créerait guère plus qu’une diversion, un sujet de simple conversation pour les habitués du bar. Les mémoires se bousculent dans sa tête ; Adam commande ensuite un café, prend son temps, regarde autour de lui deux jeunes hommes qui, absorbés par les jeunes filles qui les accompagnent, ne le voient pas. Ou encore ce consommateur attablé à la terrasse devant un café. Quelqu’un monte l’escalier de l’hôtel, il écoute attentivement. Qu'est-ce qui pourrait changer le réel. Adam se lève, sort du square, se plonge dans la foule des passants d’une des rues latérales. Que, dis-tu ? Adam ne vit plus que dans sa peur, de sa peur, il est peur, respire peur, pense peur — tout ce qui peut être filmé, enregistré, capté, est filmé, enregistré, capté, rien ne se perd... Adam n’a pas pu emporter beaucoup de livres. L’interlocuteur de son patron a souri et hoché la tête ; Sa femme lui avait toujours fait confiance, il aime penser qu’elle a toujours confiance en lui, qu’elle sait qu’il ne les a pas laissés sans une raison impérieuse, mais il sait aussi que la confiance, comme tous les autres sentiments dépérit si elle n’est pas régulièrement entretenue... Adam se vautre dans la compassion ; Adam s'est habitué à regarder le mouvement de ses semblables, la société qu’ils constituent, comme un spectacle qui ne le concerne plus vraiment.

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