Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Écrits de Marc Hodges
Écrits de Marc Hodges
Visiteurs
Depuis la création 98 775
Archives
21 février 2013

perdus dans la tourmente

Nous marchons. Très lentement, fouettés par la neige, avec difficulté, à la recherche d’un indice quelconque qui nous permettrait de nous repérer. Il s’agit de ne pas s’éloigner. Nous pensons ne pas être trop loin de l’ancien chemin pavé qui nous conduirait directement au village mais comment savoir ? Si au moins nous nous étions contentés de nous promener sur un sentier plutôt que de partir à travers la campagne !… Théoriquement le chemin aurait dû être sur notre gauche… Mais nous trouvons rien, nous ne voyons rien. Dans cette purée neigeuse, il y a bien des chances que nous tournions en rond… Enivrés par les tourbillons de neige, le froid nous gagne, nous perce, nous avons beaucoup de mal à maintenir notre esprit en éveil, réfléchir pour adopter une attitude logique, ne pas abandonner…

Quand la tourmente s’est levée, nous étions au-dessus du village, à environ quatre kilomètres, en direction des forêts qui couvrent une bonne partie du plateau. Nous n’avons toujours pas retrouvé la forêt, nous devons donc être encore sur cette portion de plateau où se trouvent les anciennes pâtures. Nous pensons être revenus sur nos pas mais nous n’en sommes pas sûr et commençons à nous disputer chacun proposant une solution mais toutes aussi peu fiables : l’essentiel est de ne pas avoir dépassé le village car, alors, s’ouvriraient devant lui quelques dizaines de kilomètres de forêts et de marécages. Dans ce cas, nous n’arriverions jamais au bout… Si nous avions dépassé le village sur la gauche, nous aurions dû couper le chemin pavé… difficile de ne pas le voir, quoique avec toute cette neige ! Sur la droite, par contre, peu de repères à part une ou deux ruines sur lesquelles nous avons peu de chances de tomber. Nous devons donc avancer résolument vers la gauche… Au pire nous nous éloignerons du village mais, comme le chemin vient en droite ligne depuis l’ancienne route, nous ne devrions pas le manquer. À moins que dans l’absence complète d’indices nous ne tournions en rond. La chute de neige, le vent sont maintenant si violents que même nos traces s’effacent derrière nous… Ne pas céder à la panique… Se tenir à un raisonnement… Essayer… Blanc, blanc partout, le paysage a fondu dans le blanc. La neige tourne, pique, brûle mains et visages. Impossible d’ouvrir les yeux.

Malgré les nombreuses couches de vêtements sous lesquelles nous avons l’habitude de nous protéger — plusieurs pull-over de laine, des vestes de gros velours, un pardessus de laine, des passe-montagne —, le froid commence à nous gagner… Nez gelé, brûlure aux mains, pieds qui s’ankylosent… Nous nous forçons à avancer. Le cerveau doit dominer le corps. Nous avons l’impression que le vent, venu face à nous des lointains du plateau, redouble, s’acharne, s’efforce de nous détruire. Nous avançons, sans savoir vers quoi, presque en aveugles, attentifs aux moindres sensations de nos pieds qui pourraient nous révéler un changement de la nature du terrain. Nous marchons, marchons, nos raquettes s’enfoncent dans la neige fraiche, nous commençons à sentir la fatigue, nous avons envie de nous arrêter, nous blottir les uns contre les autres pour nous réchauffer mais nous savons, par les nombreux récits des veillées qu’il ne faut pas se laisser aller au découragement, ne pas s’abandonner à l’attraction de la neige, ne pas accepter son enveloppement maternel et nous marchons, marchons, de plus en plus désespérés.

Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Publicité