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Écrits de Marc Hodges
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6 mai 2012

Souvenirs maternels

Ma mère. Ma mère aimait la compagnie: elle avait un besoin irrépressible de parler, de bavarder disait mon père pour la taquiner. De parler de tout, de rien, de n’importe quoi avec n’importe qui, de son jardin, de ses fleurs, du temps qu’il faisait, de moi, de mon père, des voisins, des enfants des voisins, du maire et du curé, des livres qu’elle lisait, des articles du journal… de tout ce qui faisait chaque minute de ses jours. Je ne suis pas convaincu que ce soit la richesse des échanges qui l’intéressait mais une nécessité d’être par la physiologie de la parole, quelque chose comme une dépense musculaire indispensable. Elle vivait dans la parole comme dans une action, la marche, la culture des fleurs ou le ménage. Parler et être lui étaient synonymes. J’entends encore le son de ses babillages mais comme une ritournelle, un air obsédant dont on a oublié les paroles et qui ne laisse pas l’esprit en repos.

Ma tête est pleine de revenants de ce genre, ou plutôt de fantômes, fragments de phrases, de dialogues, images, fragments d’images, fragments de séquences, qui, à l’improviste, sans queue ni tête, qu’il soit éveillé ou assoupi, traversent mon cerveau sans que je sois capable de décider s’il s’agit de fantasmes, de récits en construction ou de souvenirs. Je vis ainsi à la fois dans deux mondes, celui dit réel qui tend à perdre de sa solidité, et celui virtuel ou imaginaire qui, lentement, comme pour m’accompagner vers autre chose, impose son flou et ses indécisions. Se réfugier dans le passé pour ne pas parler du présent, parler de faits anodins pour éviter d’aborder les difficultés des événements essentiels. Je prends conscience de cela, si je persiste à rapporter des épisodes sans gravité d’avant ma naissance, n’est-ce pas pour éluder ce que je devrais en fait relater de ma vie? Possible… Mais je persiste à penser que la connaissance de ces moments qui ont fait de moi ce que je suis est nécessaire pour comprendre que rien ne me prédestinait à la vie aventureuse qui fut la mienne.

Ainsi j'ai toujours cru que mes innombrables lectures devraient un jour servir à quelque chose: j'en suis moins sûr. Elles ne m’ont pas servi à vivre… à passer le temps sans aucun doute, mais ne passe-t-il pas assez vite de lui-même ? Comme tant de souvenirs, elle n’ouvrent que sur une nostalgie infertile: j'ai ainsi retrouvé aujourd’hui un livre de la collection Nelson. Qui connaît encore ça ? Mon père s'y était abonné dès qu'elle avait commencé vers 1930. De jolis petits livres format poche qui ont bercé mon enfance. Ce livre est: "Les feuilles d'automne" de Victor Hugo. L'ayant lu alors que je devais avoir 12 ou 13 ans, j''en garde un souvenir ébloui.

Au fur et à mesure que j’avance dans l’histoire de ma vie, que je recule devant ce que je dois dire, je m’aperçois que le titre que j’ai pour l’instant choisi, «Ma vie», sous sa banalité tranquille, annonce mal le récit que je veux en faire. Il me faudra donc en trouver un autre. Mais, pour l’instant j’hésite encore: Dissimulation, Un homme intranquille, Choses infimes et infirmes, Mensonges et impostures, Choses dites, cachées, Le fond d’un être… Peut-être faut-il que j’avance encore. Nombre d’écrivains en effet, lorsque ce n’est pas l’éditeur qui choisit le titre, disent ne le trouver qu’à la fin de l’écriture: un titre doit s’imposer de lui-même.

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