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Écrits de Marc Hodges
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7 mai 2012

Boukhara

« X-Sender: ouersighis@birliknet.uz
Date: Fri, 04 May 2001 21:21:21 +0200
To: Jean-Pierre BALPE <jbalpe@away.fr>
From: Pierre Ouersighis <ouersighis@birliknet.uz>
Subject: Re: Mail-roman "Rien n'est sans dire", courrier N° 24

Vous parlez de racines et continuez en évoquant Zita comme l'aurait fait Barrès dans Les Déracinés et cette Arménienne au pouvoir énervant... »

Vous lisez trop : je n’ai jamais, pour ma part, lu Barrès… Ni le temps ni l’envie… et puis, même cela serait, pourquoi vous faut-il créer vous-mêmes les personnages de ce récit, essayez-vous de tromper mes lecteurs en les dévoyant de l’histoire à la fiction ? De son histoire aux vôtres…

«Date : fri, 4 May 2001 22:23:46 +0400
Subject : Re : Mail-roman « Rien n’est sans dire », courrier N°23
From: Jean-Pierre BALPE <jbalpe@away.fr>
To: Pierre Ouersighis <ouersighis@birliknet.uz>

Presque un mois déjà que je suis à Boukhara et qu'à pied, de la maison du souk, un peu plus loin chaque jour, j’interroge le labyrinthe des ruelles à la recherche des traces de Stanislas. Mon turc littéral s'habitue aux accents plus souples du dialecte ouzbek. Tout en marchant, je répète, seul, à voix haute, les expressions entendues dans ce kaléidoscope sonore et je passe parfois pour un fou. Je m'essaie à calquer la cadence de mes pas, la forme même de ma marche sur ceux que je rencontre où je suis. Il est important pour moi que j'acquière un peu d'invisibilité. Il doit être possible que, malgré tous les caractères d'étrangeté qui m'entourent, je parvienne à ce que, d'emblée, on s'adresse à moi en turc, en presque frère. Cependant, je ne lie pas connaissance, je pose quelques questions, passe, ne m'attarde ni sur les tapis ni dans les fauteuils trop souvent crevés, à boire un thé brûlant, souvent révulsif. Je ne me mêle pas, me dissous, tente de me faire oublier et de disparaître. De mes voisins les plus proches , je n'accepte qu'un salut bref, j'y réponds tout aussi brièvement d'un sourire et d'un pencher de tête. Mais tout cela ne peut durer qu'un temps. Les traces que je recherche ne sont pas ici. Il me faudra une voiture.


Parce que je rêve surtout d’aller dans ces lieux que vous avez fréquentés ensemble, d’y retrouver vos pas, chaque jour maintenant, je passe devant la mosquée construite, entre deux médersas, autour du petit lac du Labi Khaus — le lac des lèvres —, je regarde de loin sa cour où j'ai décidé de n'entrer qu’au dernier jour de mon séjour. Ce n'est pas la mystique de l'Islam que je quête, ni même celle, devenue à la mode, des sages soufis, mais la vérité d’un récit et des images qu’il m’a mis en tête: je cherche la réalité des mots, la force du dire sur la lecture du monde. Même si je me doute bien qu’après plus de vingt ans tout a dû changer, ce n’est que pour cela que je suis ici…

Pierre Ouersighis »

Je cède un peu à la facilité en me contentant de vous donner à lire ces courriels reçus aujourd’hui, mais je n’avais pas beaucoup de temps pour écrire… Considérez cela comme une pause dans mon récit, un simple écho des réactions qu’il provoque en vous…

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