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Écrits de Marc Hodges
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19 avril 2012

Un adolescent au commissariat de Fontainebleau

Tout commence de façon à la fois naturelle et étrange: un matin, un adolescent entre dans le commissariat de Fontainebleau. Il demande à voir la commissaire Albertine Mollet. Le planton, une jeune femme boulotte boudinée dans son uniforme trop serré, dit: — A quel sujet?. L’adolescent —profil florentin, cheveux mi longs très noirs coupés comme ceux d’un page de la renaissance, tenue décontractée mais plutôt branchée de pratiquant des planches à roulettes (la jeune planton l’a trouvé beau comme un dieu de l’antiquité. Il lui rappelait même un portrait d’elle ne savait plus quel peintre qu’elle avait vu à Florence) — l’adolescent, comme si le fait d’être dans un commissariat ne lui posait aucun problème, répond avec assurance: — C’est personnel. — Je suis désolée, mais la commissaire n’est pas là… — Savez-vous quand elle reviendra? — Non, aucune idée… L’adolescent hésite: — Je peux vous faire confiance? La jeune planton ne sait si elle doit sourire ou s’indigner. La beauté du jeune homme lui fait opter pour l’indulgence: — Bien sûr, pourquoi? — Je dois lui remettre une lettre en main propre; il ne faut pas que qui que ce soit l’ouvre avant elle… Il sort de son blouson une enveloppe portant une en-tête d’hôtel, la présente au planton. Elle tend la main mais il ne lâche pas l’enveloppe: — C’est très très important… — J’ai compris, tu peux me faire confiance. Il la regarde quelques secondes dans les yeux: son regard est d’un noir intense, profond. Elle en est troublée: — Si tu ne me crois pas, va-t-en! — Ok, je vous crois». Il donne l’enveloppe et part aussitôt. La jeune flic regarda machinalement l’enveloppe: papier assez luxueux, en-tête «Four seasons hotel Cyprus». En attendant la venue de la commissaire, elle pose la lettre sur sa banque de travail.

La commissaire Albertine Mollet est une petite bonne femme sèche, visage en lame de couteau, nez très fin à l’arête longue séparant ses deux yeux à la façon d’un bec d’aigle et lui donnant un regard vif et profond. Elle porte la tête haute comme si elle était toujours à la parade. Cheveux mi-courts mal entretenus, raides, mal coupés qui trahissent une grande indifférence à l’apparence physique. Son caractère est à l’avenant: vive, presque agitée, autoritaire, détestant perdre son temps en futilités inutiles, elle n’a aucun complexe vis à vis des hommes qu’elle prend tous plus ou moins pour de grands enfants. Elle ne ménage pas ses subordonnés, exigeant toujours d’eux qu’ils soient à la limite de ce qu’ils sont capables de faire. Autant dire que si certains —ceux pour qui le métier de policier est une vraie vocation— la respectent et considèrent que ce n’est pas par hasard qu’elle occupe son poste, la plupart ont du mal à la supporter: elle ne les laisse pas s’endormir dans le confort douillet d’une routine quotidienne. Ceux-là attendent avec impatience qu’elle soit nommée ailleurs.

Pourtant elle est mariée. Elle a rencontré un jour l’homme qu’il lui fallait: un doux philosophe tranquille qui n’est jamais vraiment sorti de l’adolescence et ne vit que dans le monde des idées. Son sens du concret est des plus sommaires et s’il n’avait pas eu d’abord sa mère, puis sa femme, pour le prendre en main, il aurait été incapable de survivre dans le monde tel qu’il est. Il pense, réfléchit, écrit des articles profonds qui lui prennent beaucoup de temps mais qui n’intéressent personne et qu’il parvient parfois à publier dans des revues que personne ne lit et qui, bien sûr, ne le rémunèrent pas. Il n’a, comme ressource, que les leçons particulières qu’il donne, ici et là, à quelques bourgeois adolescents qui ne comprennent rien à ses explications et n’en demandent pas tant. Chacun y trouve son compte: les parents, moyennant une somme modique, ont la conscience tranquille du devoir accompli pour leur progéniture; la progéniture insoucieuse d’un avenir qu’elle sait assuré, fait plaisir à ses parents et laisse le «professeur» rédiger leurs devoirs à leur place. Bref, tout baigne. Albertine aime son mari, Rango, qui se laisse suffisamment aimer pour lui avoir fait deux enfants: Kevin, âgé maintenant de quatre ans, et Karcher qui n’en a pas encore tout à fait deux.

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