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Écrits de Marc Hodges
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2 novembre 2011

Fin des amours

En de longues pages, Germaine décrit ainsi ses états d’âme qui la révèlent mal dans sa peau, angoissée, parfois à la limite du délire et de la mélancolie. Certaines de ses pages sont incompréhensibles, à la limite de ce que l’on pourrait appeler une écriture poétique: «grille, grille, grille… le monde est grillagé… monde gris grillé grillagé grimaces et grimages: deux hommes sales hirsutes, enroulés dans des couvertures pisseuses, barbe de centaines de jours, forte odeur de pisse et sueur : eux aussi, moi là. Entre nous grillages. Rien n’est possible et tout est dit. Un pigeon picore avec avidité des miettes de pain noircies de saleté. Autour, des murs, des murs, des murs, des murs…»

J’ai failli abandonner cent fois mais au dernier moment, toujours, quelque chose me retenait. Une image: «la ville anesthésiée ronronne comme un tigre…»; une notation pertinente montrant une qualité d’observation: «This unusual form of address, though mumbled than spoken, caused his body to stard as though it had been prodded under the fifth ribb»; une remarque intelligente: «le néant de l’être fait plus de dégât que l’être du néant»… Germaine avait des dons pour l’écriture même si elle les gâchait dans une recherche systématique d’effets.

Quoi qu’il en soit, j’ai mis très longtemps à comprendre pourquoi elle m’avait envoyé son manuscrit et surtout pourquoi elle me l’avait adressé en me laissant entendre qu’il me permettrait de comprendre la personnalité de Balpe.

Si l’on se fie aux calculs de Diffloth, la durée de l’amour est inversement proportionnelle à sa densité: les amours de Jean-Pierre et Germaine étaient, dès leur origine, condamnés à ne pas durer… Ils se sont vraiment aimés trois mois, quinze jours comme des fous, corps sans cesse emmêlés ne quittant pratiquement jamais la chambre puis leurs premières promenades dans la nature les ont peu à peu assagis. Au bout de six mois, chacun sentait, qu’il s’éloignait de l’autre et le jour où Germaine n’a pas eu envie de faire l’amour, elle comprit que leur relation, à moins de se banaliser, ne pouvait plus durer: — nous avons vécu trois mois merveilleux mais… depuis deux mois notre passion exige des perfusions… — Tu as raison… je ressens cela aussi… allons chacun de notre côté. — J’ai beaucoup d’estime pour toi, je ne t’oublierai pas mais… — Je sais… je suis comme toi… je ne supporte pas l’imperfection et nous ne retrouverons jamais l’intensité de sentiments et de désirs que nous avons connu, l’amour ne vit que de découvertes, nous nous connaissons trop.

Le matin de cette discussion lucide, ils se sont embrassés et, parce qu’ils étaient chez Germaine, Jean-Pierre a rassemblé ses affaires qui traînaient un peu partout dans la maison et l’a quittée sans un regret… Ils ont, sans hésitation, tourné cette page de passion. C’est du moins ce qu’affirme le manuscrit que m’a remis Germaine et dont je vous ai parlé il y a quelques temps. Je vous en donnerai prochainement d’autres extraits…

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