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Écrits de Marc Hodges
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1 novembre 2011

Berlin, Alexanderplatz

X-Sender: jbalpe@mail.away.fr
Date: Thu, 26 Apr 2001 18:29:36 +0200
To: jbalpe@away.fr
From: Jean-Pierre Balpe <jbalpe@away.fr>
Subject: Mail-roman "Rien n'est sans dire", courrier N° 16

Peut-être que je m’égare dans ces courriers?… la remontée des souvenirs me rend lyrique et m’attendrit. Si j’avais le temps de tout rapporter, tant de moments pleins d’échanges, de bonheur et de vie somme toute assez insouciante… Ce serait une confession, au mieux une autobiographie et je t’ai dit que tel ne serait jamais mon propos. Ces lettres n’ont qu’une fonction pédagogique, il me faut donc en revenir à l’essentiel, vous êtes en effet nombreux à me rappeler à l’ordre, mais je ne suis rentré qu’hier de Lisbonne et aujourd’hui, pris dans une masse de réunions toutes plus inintéressantes les unes que les autres, je n’ai pas eu beaucoup le temps d’écrire. Aussi, pour ce soir, j’irai à l’essentiel…

Je crois ne pas t’avoir encore raconté comment, il y a déjà exactement quinze jours, j’avais trouvé Stanislas: je t’ai dit que c’était à Berlin, dans la station de métro Alexanderplatz, je venais de chez un ami écrivain qui logeait Klosterstrasse et devait changer de ligne pour aller dans le quartier de Schöneberg où était le lieu de ma conférence. Comme à mon habitude, parce que j’aime prendre mon temps, j’étais en avance et avais décidé de sortir du métro pour m’offrir un sandwich et une bière mais ne connaissant pas le lieu, je m’approche d’un homme assis sur un banc près du quai et semblant lire un journal. Je m’adresse à lui: il avait presque l’air d’un clochard, mal rasé, vêtements pas nets, visiblement fatigué au point que je me demandais un instant si le journal ne lui servait pas à dissimuler qu’il dormait. Il ne me répond pas. Croyant que, dans le brouhaha du métro il ne m’avait pas entendu, je répète ma question : il me regarde avec insistance, comme intrigué, semble hésiter un peu puis, faisant visiblement un effort, me répond. J’ai aussitôt reconnu sa voix, à mon tour je l’ai regardé avec insistance car je n’avais pas retenu ce qu’il m’avait dit, je me suis excusé tout en le dévisageant à nouveau, j’ai alors doucement prononcé son nom — ce nom que tu ne connaîtras pas. Son regard s’est fixé sur le mien… Je n’avais plus de doute, il a hésité encore comme s’il faisait un gros effort intellectuel puis a dit: «Jean-Pierre?» ; je lui ai demandé «Que fais-tu là?», il ne m’a pas répondu, m’a regardé encore, comme épuisé a passé une main sur son front, j’ai ajouté: «Depuis le temps qu’on ne s’est pas vu… J’allais manger une bricole, viens avec moi, je serais si heureux de parler avec toi…». Il n’a rien dit, s’est levé, m’a montré le chemin.

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