Aveux de Wilfrid
Wilfrid d’Eurymédon, d’abord choqué par les
insinuations malveillantes du receveur des postes, démentit formellement avoir
vu ses amis se livrer à quelque orgie qui se soit. Avec une grande douceur dans
la voix, le receveur lui déclara alors que l’Administration était très surprise
de voir un fonctionnaire de son rang et de sa valeur, promis à un très brillant
avenir, se compromettre avec les galopins du MRA et qu’il serait, peut-être, en
tant que Rapporteur Départemental, obligé d’en référer à la Direction du
Recensement Bovin. Évidemment, Wilfrid risquait de ne pas s’en tirer indemne
puisque son casier judiciaire pouvait ne plus être vierge dans la mesure où la
Mairie semblait vouloir intenter un procès au MRA et qu’il était évident, dans
ce cas, qu’elle aurait gain de cause. Et ce d’autant que sa liaison scandaleuse
avec la petite bonne de l’hôtel — savait-il si elle était majeure ?— n’était
un secret pour personne et que D’Eurymédon ne s’était pas fait inscrire à la Mairie
sur la liste du recensement des ménages concubins, ce qui pouvait être
considéré comme une faute grave par les Autorités Supérieures. Après ce détour,
le receveur des postes revient à son sujet de départ. Il s’assied sur le lit,
regarde Wilfrid dans le creux profond des yeux et lui suggère de bien
réfléchir, d’examiner si, parfois, lorsqu’il avait passé un moment avec Serge,
Robert et Armelle, il n’avait pas remarqué des attitudes douteuses, vicieuses,
obscènes, contre nature ou autres encore… Bien entendu il ne s’agissait pas de faire
un faux témoignage, l’Administration tenait à respecter la loi dans ses plus
grandes exigences, mais simplement de lui demander de bien réfléchir, de faire
appel à sa mémoire et, surtout, surtout, de ne pas couvrir les turpitudes de
ses amis par simple bonté d’âme, attitude qui, non seulement ne les protègerait
pas car On avait d’autres témoignages, mais risquait de le mettre lui, Wilfrid,
en position délicate.… Wilfrid d’Eurymédon doit alors admettre qu’en effet,
parfois, de façon détournée ou discrète, imperceptible même, il lui avait
semblé remarquer des choses bizarres, inquiétantes.
Satisfait, le receveur enregistra sa déclaration
puis, le félicitant de son esprit de justice et de son honnêteté de bon
fonctionnaire, se retire non sans lui avoir, chaleureusement, serré la main.