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Écrits de Marc Hodges
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16 décembre 2014

la fille est l’avenir sexuel du garçon

Je raconte ma vie sans illusions. Pas dupe, je sais tout ce qu'elle a de banalité romanesque et de réalité ennuyeuse. J'essaie pourtant d'aller au fond de moi-même, de m'y révéler tout en n'ignorant pas, contrairement à Rousseau, que me peindre dans toute mes vérités n'a pas de valeur universelle. Peut-on prétendre à être écrivain si l'on n'a pas la conviction profonde que tout ce qui nous concerne concerne l'humanité entière ? Mes écrits ne visent rien de tel, ils mettent simplement ma vie à plat. Ainsi le premier incident que je veux ici rapporter représente ce que j’ai ressenti comme un de mes plus cuisants échecs bien que je suis persuadé qu’aux yeux de mes lecteurs il apparaîtra comme tout à fait banal et même insignifiant.

Depuis « l’initiation » sexuelle que j’ai rapporté ici, je me masturbais tranquillement, régulièrement, sans aucun sentiment de culpabilité. Lorsque, pour une raison des plus diverses — un bain dans la rivière, la chaleur d’une journée particulièrement claire, une promenade à vélo, une idée que je trouvais particulièrement brillante, un poème ou même une phrase auxquels j’avais pris plaisir, la découverte d’une image érotique… presque tout sentiment de plénitude provoquait chez moi un fort besoin de jouissance corporelle — je cherchais un endroit tranquille — sous-bois, placard, grenier, chambre et, seul avec un ou plusieurs garçons je me soulageais sans aucune hésitation. Mais je grandissais. Mais je vivais la plupart du temps avec des garçons qui avaient deux ans de plus que moi et je m’apercevais que les filles commençaient à entrer avec insistance dans leur vie. S’il n’y avait alors à Mende qu’un seul établissement secondaire et si les classes de filles et celles de garçons étaient séparées, il n’en demeure pas moins que, la ville étant petite, peu de parents trouvant nécessaires de venir chercher leurs adolescents, dès la sortie des cours, lycéens et lycéennes ne pouvaient faire autrement que se côtoyer. Entrées et sorties des cours étaient ainsi l’occasion de flirts permanents. La plupart se menant d’ailleurs avec succès.

Je ne tardais donc pas à penser que la fille était l’avenir sexuel du garçon et qu’il était temps que je m’en préoccupe sérieusement. J’étais jeune, gauche, plutôt solitaire et très timide. Je n’avais aucune idée du comportement que je devais adopter pour parvenir à mes fins et je me voyais mal, comme la plupart de mes camarades, aborder une fille préalablement remarquée en lui offrant des chewing-gums, en tournant à vélo autour d’elle, en lui proposant « une petite promenade » ou simplement en la taquinant. Il me semblait en effet qu’un flirt était quelque chose de sérieux, proche de l’engagement et qu’il fallait, pour le débuter, un acte plus solennel. Je pris quelques temps pour choisir une fille qui me semblait assez ouverte aux contacts avec les garçons. Elle était assez belle, sans plus mais elle ne me semblait pas farouche. Je consacrais quelques jours à rédiger un sonnet — aujourd’hui perdu — qui me semblât satisfaisant. Le signai de mon nom, le mis dans une enveloppe et demandais à ma sœur Andrée, qui venait d’entrer en sixième, de le remettre, sans lui en expliquer la raison, à celle à laquelle il était adressé.

Puis j’attendis sa réaction. Elle ne tarda pas.

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