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Écrits de Marc Hodges
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24 septembre 2010

Parenthèse

Les lecteurs n’aiment pas les parenthèses. Elles interrompent le récit, leur font oublier un moment le fil si commode de la lecture linéaire des péripéties. Les lecteurs aiment bien que les événements s’enchaînent de façon égale pour les conduire sans difficulté d’un point à un autre. Ainsi ils peuvent abandonner leur lecture, aller faire la cuisine, l’amour, s’endormir, prendre le soleil, téléphoner… — peu importe la nature concrète des faits qui interrompent le fil directeur — l’essentiel est qu’ils s’y retrouvent. Et ils s’y retrouvent. Mais si c’est le texte lui-même qui s’interrompt pour changer de direction, s’il se laisse un moment oublier, pire encore s’il change sans cesse de direction, alors ce même lecteur est perdu. Un livre est une promenade sur un territoire qui n’accepte pas les sentiers qui bifurquent. L’idéal même est celui des séries télévisuelles où la trame sous-jacente est tellement forte, tellement bien établie que le spectateur peut prendre le récit en cours de route, à tout moment, le quitter, revenir, subir des publicités, faire autre chose, sans pour autant être jamais perdu. Rien de pire en effet pour un lecteur qu’être perdu dans sa lecture. Il pourrait y voir un moment de réflexion, la possibilité de réfléchir, de construire des hypothèses, de comparer ses expériences à celles qui lui sont proposées — et certains, peu, très peu, le font…— mais non, cette rupture du contrat tacite de lecture est une trahison où les nécessités du hasard, les plaisirs de l’errance d’un esprit disponible, n’ont pas leur place. Ceci est donc une trahison…

Pourtant, qu’on y réfléchisse, qu’importe ce Peter Peterson, personnage sans épaisseur ni poids, évanescent, mou et flou dont les « aventures » n’ont rien de palpitant, dont on ne sait jamais vraiment quand il se trouve là, les raisons pour lesquelles il s’y trouve. Un amateur de poésie, un défenseur de la poésie… mais qui de nos jours s’intéresse à cette écriture désuète sinon, parfois, pour se dire poète. Attitude curieuse en effet que cette furie à se vouloir poète, c’est-à-dire rien, absence, vide, inexistence tant sociale que culturelle. Un aveu difficile à faire : « je suis poète », se déguisant souvent sous « j’écris », ou, au mieux, « j’écris des textes ». Les poètes aujourd’hui sont des masochistes qui se complaisent dans la douleur de leur inexistence qui leur fournit à la fois de la matière pour leurs petits textes et la certitude que la douleur donne à l’être. Satisfaits, ils ne seraient plus poètes ; insatisfaits, ils puisent dans cette affirmation la confirmation de la singularité de leur existence.

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