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Écrits de Marc Hodges
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2 septembre 2009

provocations

Tous les hommes de la commune sont là, une seule femme, la fille publique — mais comme, par vocation, elle connaît tous les travers masculins, il faut bien la tolérer d’autant que sa propre réputation est faite— elle, elle ne crie pas encore.

Au premier rang se sont installés, le maire, le curé et Yvré qui, bien que son expérience de l’après-midi ait été un échec, a acquis une certaine notoriété en autorisant le village à s’abandonner à ses instincts les plus primitifs. Derrière, la foule des habitants mâles de plus de vingt-trois ans, les plus jeunes, susceptibles encore d’idéalisme juvénile, ont, conformément aux coutumes locales, tout juste droit à l’existence ce qui ne comporte ni sécurité sociale, ni droit d’opinion, ni droit d’expression. Ce ne sont que des à-venir et leurs tendres mères les bordent bien sagement chaque soir dans leurs petits lits tout en se plaignant de leurs pères, situation qui leur donne très envie d’accéder enfin au rang de mâle adulte pour pouvoir, enfin à leur tour, faire chier ces putes de femelles et recourir à la fille publique.

Un paysan pauvre, habits cependant très propres et reprisés avec élégance, arborant une cravate discrète et démodée, désignant Armelle assise entre Robert, Serge et Wilfrid, crie vers la tribune : — Qu’est-ce que fout là cette putain de fille ? Devrait être renvoyée chez elle avec une bonne fessée… Robert essaie de calmer les huées de l’assistance : — Mais enfin, soyez juste, ce n’est pas parce qu’une jeune fille assiste à une réunion publique qu elle est une traînée !

Il a toutes les peines du monde capitaliste à couvrir les cris du public excité par le mot «traînée» et se livrant à de brillantes improvisations sur ce thème: «C’est pas n’importe qui ou… une traînée pareille, c’est un vrai filon… c’est pas une traînée, c’est une entraîneuse… Ne la laissez pas traîner n’importe où… etc. etc.» Armelle rougit de colère, de honte, de gêne, d’embarras, de fureur… et ne sait quelle attitude adopter. Wilfrid, prétextant un besoin urgent, s’éclipse lâchement, rase les murs de la salle, fuit les regards hostiles qui le suivent.

 

 

 

 

 

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