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Écrits de Marc Hodges
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10 juillet 2009

Où apparaissent Jeff et Milca

Jeff interroge d’abord son courrier électronique. Bien qu’il ait programmé diverses fonctions de filtrage destinées à éviter que sa boîte aux lettres ne soit envahie d’avis sans intérêt — annonces de colloques, forums divers, publicités dissimulées sous la forme de faux articles — reste toujours beaucoup de “poubelle”, courrier qu’il sait inutile de lire, dont il vaut mieux se débarrasser au plus vite. À l’origine du web, quand Jeff était encore jeune, ses utilisateurs s’étaient spontanément mis d’accord pour établir une “morale” commune, la “néthiquette” — comme disaient les canadiens — prohibant l’utilisation du “mail” pour tout message à caractère publicitaire. Jeff se souvient encore avec amusement de cet avocat qui avait osé envoyer sa publicité sur le réseau. Sans se concerter, tous les utilisateurs d’alors lui avaient envoyé des insultes faisant exploser la mémoire de son ordinateur. C’était le bon temps. Celui où les usagers du réseau faisaient partie d’une caste qui croyait inventer un monde nouveau. Quelle naïveté !… La généralisation de l’usage du réseau, lorsque celui-ci était devenu le web, avait bien vite rendu inopérantes toutes tentatives d’autodiscipline. Devenant productif, le web avait eu à affronter la complexité du monde avec ses héros, ses martyres, ses flics, ses truands. Ce monde ne vaut pas plus que l’autre mais c’est par son intermédiaire que Jeff maintient quelques relations avec ses contemporains. Mais quelles relations ?… Jeff n’accepte de correspondre qu’avec trente-trois personnes. Chacune ignore tout de son identité véritable et — parce que Jeff fait transiter ses messages par des serveurs-relais qu’il parasite à leur insu — ne sait rien du lieu où il réside. Ces trente-trois correspondants, Jeff, s’assurant avec soin qu’aucun d’entre eux ne savait rien des autres, les a choisis aux quatre coins du monde. À ses yeux ils constituent une caste d’intelligences seules capables de comprendre la totalité des bouleversements apportés par le web et d’essayer d’en tirer partie non dans un sens négatif mais afin d’améliorer la culture humaine. Dans son intimité, il les appelle les “veilleurs”: ces “élus étrangers et dispersés” qui ouvrent la première épître de Saint-Pierre. S’interdisant tout contact en visiophonie, ils constituent un groupe virtuel de chercheurs, dont la localisation importe peu, mais dont il peut, à leur insu, regrouper périodiquement les compétences en groupes souples, informels pour l’accomplissement de telle ou telle tâche. Seul maître conscient du jeu, il sert de relais, établit les relations utiles sans qu’aucun des membres de son groupe en ait conscience. Ainsi, il lui semble être un Dieu manipulant des marionnettes, mais des marionnettes vivantes, suprêmement intelligentes et il ne vit plus que pour ça.

Ce jour-là, son courrier contient peu de choses: un message dans une langue qu’il ignore, et qui — pour cette raison — a franchi ses filtres. Il l’élimine aussitôt. Un autre de Milca. Un dernier de Blaise.

Le message de Milca, informaticienne israélienne, émis à 17 heures 38 — 15 heures 38 pour Jeff —, signale l’apparition sur le réseau d’une nouvelle famille de virus. Elle en donne les caractéristiques, lui en fait parvenir un exemplaire inactivé afin qu’il l’ajoute à sa collection et perfectionne ainsi ses “vaccins” et “antivirus”. Une information très précieuse… Milca est une informaticienne géniale, toujours à l’affût. Ses programmes chasseurs de virus font merveille. Jeff la remercie aussitôt…

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